“Je veux des syndicats forts”

“La paix sociale, dont nous jouissons au Luxembourg, est aussi le fruit du travail des syndicats.” Le ministre du travail et de l’emploi, François Biltgen, au sujet des élections sociales 2008

La Voix du Luxembourg: Durant les temps de crise, les gens se tournent plus facilement vers les syndicats et se découvrent une âme sociale. Est-ce un phénomène que vous avez constaté?

François Biltgen: C’est une question qu’il faudrait poser aux syndicats. Lorsque des personnes viennent me voir en ma qualité de ministre du Travail pour me faire part de leurs problèmes, je leur pose toujours la même question: "Êtes-vous syndiqués?" Je conseille à tout le monde de le faire. Je veux des syndicats forts. La paix sociale, dont nous jouissons au Luxembourg, est aussi le fruit du travail des syndicats. Nous avons des syndicats puissants.

Il existe une pluralité mais pas d’opposition stérile. Ceci n’est pas le cas à l’étranger, où les syndicats se battent constamment dans le but de se faire une place. Si au Luxembourg les syndicats ont beaucoup de membres, alors ils n’ont pas besoin de recourir à de tels procédés. D’où l’importance de devenir membre d’un syndicat, même lorsque l’on n’a pas de problème.

La Voix du Luxembourg: Les bulletins pour le vote de la Chambre des salariés sont envoyés par courrier. Sait-on déjà si la participation est plus importante que les fois précédentes?

François Biltgen: Il est encore trop tôt pour le dire. Il faut attendre le 12 novembre avant de se prononcer quant au taux de participation. Mais même par le passé, il y a toujours eu des différences importantes selon les groupes socioprofessionnels. Les cheminots ou les salariés de la sidérurgie ont toujours été plus nombreux à voter que les autres. En plus, ce sera la première fois que nous avons une Chambre des salariés unique. Ce sera notamment intéressant de voir combien de retraités voteront.

La Voix du Luxembourg: Pourtant, on peut dire que les élections sociales ne font pas se déplacer les masses?

François Biltgen: Oui, les gens ne se rendent pas très bien compte de l’importance de ces élections. Ce que je déplore. J’ai également entendu, notamment de la part de l’OGB-L, que l’Etat n’a pas fait assez pour promouvoir ces élections. A cela, je rétorque que je suis bien entendu prêt à soutenir toute initiative ayant comme objectif la promotion de ces élections. Cependant, le gouvernement doit être neutre. Après les dernières élections, j’ai recommandé aux deux Chambres de travail d’émettre des propositions afin de promouvoir ces élections. Malheureusement, force est cependant de constater que rien n’a été fait. Je vais réitérer ces propos lors de l’inauguration de la nouvelle Chambre des salariés.

La Voix du Luxembourg: Ce qui est sûr, c’est que de nombreuses personnes ne connaissent pas le rôle des Chambres de travail, et donc de la future Chambre des salariés. Pouvez-vous les éclaircir à ce sujet?

François Biltgen: Il existe deux volets. Le premier est moins connu, mais essentiel, et montre à quel point la Chambre des salariés représente un élément de démocratie sociale. En effet, elle participe au processus législatif en émettant des avis aux projets de loi. En rendant ces avis publics, elle influence le processus législatif. La Chambre des salariés représente pas moins de 400.000 électeurs, plus qu’il n’y a de Luxembourgeois. Son poids est non négligeable. Ce sont non seulement les Luxembourgeois, mais également les frontaliers qui se prononcent. Les frontaliers sont même éligibles. C’est quelque chose de très important, d’où l’importance pour les frontaliers de participer en grand nombre à ces élections. Le deuxième volet du travail de la Chambre des salariés consiste à proposer des cours de formation continue. Il s’agit d’un partenaire important du gouvernement dans ce domaine.

La Voix du Luxembourg: Vous réfutez donc les reproches selon lesquels les travaux des différentes Chambres de travail ne sont pas suffisamment pris au sérieux par la politique?

François Biltgen: Totalement. Les ministres consultent les avis, tout comme le fait le Conseil d’Etat. Peut-être que les députés les prennent moins en considération, quoique cela dépende de chaque député. Les avis sont pris au sérieux, même si, vu de l’extérieur, cela ne se remarque pas toujours.

La Voix du Luxembourg: Le modèle luxembourgeois est unique, non seulement grâce à l’instauration des réunions tripartites, mais également dans sa façon de régler les problèmes par le dialogue, en opposition à des pays comme la France, où le dialogue social tourne vite à l’affrontement. Du coup, au Luxembourg, on se rend moins compte du travail effectué par les syndicats.

François Biltgen: Oui, mais c’est ce qui les rend plus forts. J’étais en faveur de la fusion des Chambres de travail, parce que justement je veux un partenaire fort. Ce n’est que de cette manière qu’on peut mener un dialogue social et garantir la paix sociale et non le conflit social. Beaucoup de personnes pensent que j’ai intérêt à avoir des syndicats faibles. C’est certes parfois plus laborieux pour moi, mais une fois un accord trouvé, celui-ci à une vraie valeur. Pour les étrangers c’est également une occasion unique de faire connaissance avec notre manière de dialoguer.

La Voix du Luxembourg: Les élections sociales ne sont-elles pas également un baromètre pour les prochaines élections législatives?

François Biltgen: Je ne pense pas. Cette vision caricaturale des syndicats n’est plus de mise. On dit toujours que le LCGB et le CSV sont de mèche et que le LSAP fait ce l’OGB-L lui dicte. C’est faux. Bien entendu, il existe plus de personnes membres du CSV qui le sont également du LCGB. Mais j’en connais aussi qui sont syndiquées auprès de l’OGB-L. Il n’y existe vraiment pas de formation de cartels. Je reste d’avis que le pluralisme actuel avec deux grands syndicats est une bonne chose, même s’il y a de la place pour trois ou quatre syndicats.

La Voix du Luxembourg: Quand pourra-t-on compter sur les premiers résultats?

François Biltgen: Pour les délégations salariales, les résultats seront connus le soir même, donc le 12 novembre. Pour les élections sociales, il faut compter entre deux et trois semaines.

La Voix du Luxembourg: Pourquoi avoir fixé une même date pour les deux rendez-vous?

François Biltgen: Tout d’abord, c’est plus pratique pour les syndicats. Cela montre également que c’est une journée spéciale. Le 12 novembre est placé sous le signe de la démocratie sociale. D’une part les salariés se prononcent par rapport à la politique et de l’autre, ils votent les représentants dans les entreprises. 

Source, La Voix du Luxembourg, 10 novembre 2008