En décembre 2007 a eu lieu à l’Assemblée nationale à Paris le lancement du “Club des 27”, une initiative du président du groupe parlementaire de l’UMP Jean-François Copé visant à rassembler les dirigeants de l’ensemble des groupes parlementaires des partis membres du PPE des 27 pays de l’Union européenne. Le groupe parlementaire CSV y était représentée par le docteur Martine Stein-Mergen, qui a prononcé ce discours à l’occasion du lancement de cette initiative de coopération parlementaire du PPE:
Faire accepter tout ce qui est européen à nos populations nationales n’est pas chose facile. La France en sait certes plus que le Luxembourg, où l’exercice de referendums se pratique traditionnellement avec parcimonie. Néanmoins, alors que nous nous réunissons après la signature du Traité réformateur de Lisbonne, instrument successeur de la Constitution malheureuse, j’aimerais partager avec vous quelques éléments qui me semblent avoir permis, le 10 juillet 2005, de provoquer un OUI populaire à la Constitution européenne, après que la France et les Pays-Bas l’avaient refusée par le même moyen.
Le Luxembourg est traditionnellement présenté comme un pays pro-européen s’il en est. Effectivement, l’adhésion au projet de l’intégration européenne est chez nous viscérale. Cela ne doit guère étonner. Mon petit pays a été l’objet des convoitises, des agressions et des occupations de nos voisins et autres puissances pendant si longtemps que l’idée d’une paix continentale permanente, nous garantissant enfin la jouissance incontestée de l’indépendance et de la souveraineté, s’est rapidement ancrée dans les mentalités. Et nous n’avons pas souffert que des guerres que nous n’avions jamais initiées, mais encore d’une déconsidération assez blessante. Comme nous sommes à Paris, je mentionnerai qu’en 1919, notre Premier Ministre Emile Reuter est venu dans la capitale de France afin de négocier une union économique avec la France, voulue par le peuple luxembourgeois qui avait exprimé son souhait par référendum. Or, Monsieur Reuter est reparti à Luxembourg après avoir antichambré pendant deux jours au Quai d’Orsay, alors que même le chef de cabinet du ministre français des Affaires étrangères ne daignait pas le recevoir – pour ne pas parler du ministre lui-même, qui ignorait superbement la présence du chef du gouvernement luxembourgeois. Conséquence de l’exercice, une union économique avec la Belgique, dont nous avons largement profité par la suite. Heureusement, ces temps-là sont révolus, et l’amitié entre le Luxembourg et la France est depuis longtemps tant réelle que sincère.
J’ai donc dit que les Luxembourgeois ont adhéré à l’idée européenne par conviction profonde, même si cette conviction fut partiellement alimentée par la nécessité de sortir de notre ancienne existence de territoire tampon ravagé avec une régularité effarante par les armées de nations plus puissantes. Mais cela ne veut pas dire que la propagande anti-européenne de la première décennie du 21e siècle ne peut pas atteindre le Grand-Duché et ses électeurs. En effet, le démontage systématique du projet constitutionnel au cours de la campagne référendaire française a eu ses répercussions sur les intentions de vote des Luxembourgeois. Tout comme un organe de presse comme la « Bild Zeitung » allemande, dont la pénétration au Luxembourg dépasse toute limite du raisonnable, a contribué à faire des eurosceptiques temporaires d’une majorité de mes concitoyens. Un sondage confidentiel révélait qu’au pire moment de l’infection anticonstitutionnelle, les intentions de vote négatives avoisinaient les 60 pour cent. Comment obtenir, dans ces circonstances, un vote positif à 56,5 pour cent ?
Et bien, il n’y avait qu’un seul parti ouvertement hostile à la Constitution, et il est petit. Ensuite, il y a eu une campagne intelligente de l’ensemble des forces souhaitant la ratification populaire. Mon propre parti a opté pour une campagne du type « call a politician », en invitant associations et groupes de citoyens à nous faire venir leur parler de la Constitution. On appelait notre secrétariat pour dire, voilà, nous sommes ce type de groupe, nous avons en manifestation en date du, est-ce que vous pouvez nous envoyer une personnalité politique pour parler Constitution européenne ? Cette campagne a connu un franc succès, avec une soixantaine de telles réunions, touchant chaque fois entre une dizaine et une centaine de personnes. Il y avait même des cafetiers qui organisaient des soirées constitutionnelles dans leurs établissements, et incitaient leurs clients à venir.
Au cours de cette campagne – la nôtre, et également la campagne officielle pour le Oui – nous avons réussi à ramener le débat au sujet sur lequel il devait porter. J’estime que le principal problème en France et aux Pays-Bas était que là, cette démarche n’a pas réussi. Dans les quartiers anti-constitutionnels, l’on contestait en effet tout ce qui existait déjà – à savoir la logique économique et du marché depuis le Traité de Rome – sans avoir d’arguments contre une charte des droits fondamentaux ou plus de démocratie institutionnelle. Notre message était : parlons de la première partie et de la deuxième, et laissons de côté ce qui existe déjà ! A la fin de la campagne, cette approche portait ses fruits : le débat se refocalisait sur les fruits du labeur de la Convention constitutionnelle. Il reste que de nombreux Luxembourgeois, tout comme de très nombreux Français et Néerlandais, ressentent et continuent de ressentir une appréhension certaine par rapport au modèle économique auquel nous sommes attachés.
Le Traité réformateur maintient l’essentiel de la Constitution défunte, et c’est tant mieux. Cependant, ne croyons pas que l’adhésion des Européens à ce nouveau texte sera un exercice de style. Il faut que nous nous rappelions sans cesse l’engagement pris au cours de la procédure de la ratification de la Constitution : expliquer l’Europe à ses citoyens et les convaincre du bien-fondé du projet d’intégration est aujourd’hui aussi nécessaire qu’en 2005. Et c’est à ce propos que je félicite le groupe parlementaire UMP d’avoir rassemblé aujourd’hui les dirigeants des groupes ressortissant au PPE, car ce sont les parlementaires qui peuvent, au contact régulier et soutenu, toucher les citoyens en quête de sens européen. Vouons-nous à cette tâche, car l’Europe le mérite bien !