Dans un entretien accordé au « Quotidien », Jean-Marie Halsdorf, le Ministre de l’intérieur esquisse les nouveaux défis qui se posent aux communes.
Quotidien: En tant qu’ancien bourgmestre, vous devez certainement avoir un regard particulier sur ces élections communales. Quel est votre sentiment?
Jean-Marie Halsdorf: Aujourd’hui, je vois la politique communale sous un angle différent. À distance, on se rend vraiment compte du rôle important qu’ont à jouer les communes dans la gestion du pays. Cela est d’autant plus vrai qu’au Grand-Duché, il n’existe véritablement que deux niveaux de gestion: le national et le local. Une seule dimension régionale (qui dépasse le cadre d’une seule commune) est celle donnée par les syndicats intercommunaux. Toutefois, les syndicats de commune ne sont formés que sur la base d’opportunités de service.
Quotidien: Voyez-vous d’autres façons de gérer le territoire?
Jean-Marie Halsdorf: Mon concept de territorialité se base sur l’hypothèse que les communes soient à même de fournir des services de base sur tout le territoire. À l’heure actuelle, il n’existe aucune garantie de ces services. Je m’explique. Jusqu’à présent, il n’y a que 111 salles subsidiées par l’État pour l’éducation précoce dans le pays. Or, nous comptons 118 communes jusqu’au 1er janvier 2006 et certaines d’entre elles possèdent plus d’une seule salle pour l’éducation précoce. Cela signifie donc qu’il n’y a aucune garantie que ce service soit fourni dans toutes les communes. Mais c’est aussi, en dernière instance, un choix communal.
Bourgmestre professionnel
Quotidien: Il y a quelques mois, vous aviez lancé l’idée d’introduire un bourgmestre professionnel dans les localités les plus grandes. Est-ce toujours d’actualité?
Jean-Marie Halsdorf: Dans notre société, et afin d’assurer l’avenir des communes, il faut une professionnalisation des bourgmestres. Cependant, il est encore trop tôt pour être plus précis.
Il faut y aller pas à pas et commencer par dessiner une carte du Luxembourg afin de définir une nouvelle organisation territoriale. Il faut d’abord un concept global, mais, avant cela, il reste de nombreuses pistes à étudier. Il en va de même pour la scission entre le mandat de député et de bourgmestre.
Pour l’instant, la commission parlementaire chargée d’étudier la question s’est donné jusqu’à juillet 2006 pour délivrer ses conclusions avant de légiférer. Cela dit, on peut encore attendre des changements pendant cette législature.
Quotidien: Le résultat des communales pourrait-il avoir une incidence sur la politique du gouvernement?
Garantir les mêmes services dans tout le pays
Jean-Marie Halsdorf: Je ne pense pas. Lors des communales, c’est surtout la proximité qui compte pour les électeurs. On choisit à la fois un personnage et un parti.
Quotidien: Que pensez-vous des fusions de communes et des revendications du cercle Joseph-Bech qui veut ramener le nombre de communes à 44?
Jean-Marie Halsdorf: Mon concept est un mélange de bottom up et de top down. Les idées doivent à la fois remonter de la base vers le sommet et partir de plus haut. Ce qu’il faut trouver, c’est l’équilibre entre les deux. Pour pouvoir garantir les mêmes services dans tout le pays, il faut des communes fortes. Afin d’y arriver, je propose deux choses: les communautés des communes ou la fusion de communes. Je donne une certaine latitude aux communes, c’est la grosse différence avec le cercle Joseph-Bech.
Quotidien: Le Syvicol change ses statuts. Quel est votre avis sur la question?
Jean-Marie Halsdorf: Le ministre de l’Intérieur n’a pas d’avis à formuler sur la question. Le Syvicol se met en conformité avec la législation en changeant ses statuts, c’est tout. C’est ce qu’on appelle l’autonomie communale.
Quotidien: Justement, on parle beaucoup d’autonomie communale. Quelles sont les réelles latitudes des communes?
Jean-Marie Halsdorf: Le ministère de l’Intérieur a la tutelle des communes. Ce n’est pas un contrôle d’opportunité, mais de légalité. Le ministère vérifie si les projets présentés par les communes répondent aux critères de la Constitution et à la loi communale 1988.
Quotidien: La circulation, la qualité de vie, l’emploi, la sécurité et le logement semblent être les cinq principales inquiétudes des habitants du pays. Quel rôle pour les communes? Quel coup de pouce du gouvernement pour les aider?
Jean-Marie Halsdorf: Sur ces questions, les communes ont besoin de l’État et l’État a besoin des communes tout en respectant la hiérarchie, cependant. Il faut une certaine mixité des deux dans le dialogue et la complémentarité. Toutefois, chacun doit connaître précisément le rôle que peuvent jouer les uns et les autres dans la résolution de ces problèmes.
Source : Le Quotidien, 6, octobre 2005, journaliste Patrick Théry