Proposition de loi relative à l’exercice conjoint de l’autorité parentale

(Dépôt Monsieur Laurent Mosar)

1) Exposé des motifs

2) Texte de la proposition de loi

3) Commentaire des articles

EXPOSE DES MOTIFS

La présente proposition de loi vise principalement à moderniser certaines dispositions du code civil ayant trait à l’autorité parentale en introduisant le principe du maintien des responsabilités parentales dans le chef des deux parents, qu’ils soient mariés ou non, séparés ou divorcés. Elle aménage subsidiairement d’autres dispositions du code civil, par exemple au niveau des effets du divorce ou encore de l’adoption, afin de les rendre conformes à l’esprit de la révision projetée.

Sous l’emprise de notre législation actuelle l’exercice de l’autorité parentale n’est commun que dans le cadre du mariage. En cas de séparation des parents ou de divorce l’autorité parentale est exercée, au vœu de l’article 378 du code civil, par celui des parents à qui le tribunal a confié la garde de l’enfant. En pratique, elle est exercée dans l’immense majorité des cas par la mère. Lorsque l’enfant est naturel et s’il a été reconnu par ses deux parents, l’autorité parentale revient prioritairement à la mère, sauf déclaration conjointe devant le juge des tutelles. Dans ce cas, l’exercice de ce pouvoir est commun.

Notre code civil opère ainsi une distinction selon la situation matrimoniale des parents ou l’état des enfants.

Il est certes possible de soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents sans violer le principe constitutionnel de l’égalité, à condition toutefois que la différence instituée soit justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

Si à l’époque de la révision des dispositions relatives à l’autorité parentale[1], un tel traitement différencié pouvait encore être justifié, la situation a radicalement changé au cours de ces 30 dernières années.

Dans les années ’70, les couples séparés ou divorcés, ainsi que les enfants nés en dehors du mariage n’étaient en effet pas légions. On partait de l’idée que si le père n’épousait pas la mère de son enfant, c’est qu’il n’entendait pas non plus s’intéresser de près à l’éducation et au développement de celui-ci[2]. On estimait également que les enfants devaient en cas de divorce ou de séparation être systématiquement confiés à la mère, entre autres parce qu’elle avait souvent plus de temps à leur consacrer que le père, de sorte qu’il était logique qu’elle exerce seule l’autorité parentale.

De nos jours, un mariage sur deux se solde en moyenne par un divorce et le concubinage est devenu un mode de vie et de partenariat de plus en plus appréciés. A cela s’ajoute l’évolution sociologique et culturelle des relations entre parents et enfants et la prise de conscience que l’intérêt de l’enfant exige l’équitable partage entre les deux parents de l’autorité parentale.

En instituant l’exercice privatif de l’autorité parentale au profit de la mère naturelle ou divorcée, notre droit non seulement n’est plus adapté aux évolutions sus-mentionnées, mais crée une inégalité entre les parents, et par là même un clivage entre les enfants naturels et légitimes.

Notre législation en matière d’autorité parentale est également en contradiction avec les principes de non-discrimination et d’éducation d’un enfant assumée par les deux parents tels qu’ils ressortent des articles 2 et 18 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989 puisqu’elle élimine d’office l’un des parents de l’exercice de l’autorité parentale. A l’époque où les droits de l’enfant sont à l’honneur, il convient de rappeler que l’autorité parentale est un ensemble de pouvoirs, de prérogatives, voire de devoirs appartenant tant au père qu’à la mère dans le but d’entretenir et d’éduquer leur(s) enfant(s).

En consacrant le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, notre pays s’aligne sur les législations prévalant dans nos pays voisins.

La France par exemple a introduit cet principe en son droit par les lois du 22 juillet 1987 et 8 janvier 1993. La loi du 4 mars 2002 réaffirme le principe consacré par la loi du 8 janvier 1993 selon lequel les parents exercent conjointement l’autorité parentale pendant leur vie commune et après leur séparation tout en étendant ce principe aux parents non mariés qui dorénavant exercent l’autorité parentale en commun, dès lors qu’ils ont tous les deux reconnu l’enfant avant l’âge de un an.

Les parents ne sont plus obligés, comme sous l’emprise de la législation antérieure, de rapporter en outre la preuve de leur vie commune pendant la première année de l’enfant. Si l’enfant n’a pas été reconnu par ses deux parents, l’exercice conjoint de l’autorité parentale peut résulter d’une déclaration conjointe des parents à cette fin devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.

La séparation des parents tant mariés que concubins ne met partant pas fin à l’exercice commun de l’autorité parentale. Les parents continuent à exercer ensemble et à égalité leurs droits et devoirs de parents. Ils devront décider ensemble de l’orientation scolaire de leur enfant, de ses relations avec des tiers…etc. Ils doivent également garantir le droit de l’enfant de conserver des relations personnelles avec l’autre parent.

Quelle que soit l’origine de la rupture, de la séparation ou du divorce, les parents doivent régler eux-mêmes l’exercice de l’autorité parentale par une convention à soumette pour homologation aux juridictions compétentes qui peuvent la refuser lorsqu’elles estiment que la convention soumise ne préserve pas suffisamment les intérêts de l’enfant. En cas de désaccord, les juridictions en question doivent chercher à concilier les parents en leur proposant notamment une médiation familiale afin de faciliter la recherche d’un exercice consensuel de l’autorité parentale.

Le législateur belge, à l’instar de son homologue français, a introduit en droit belge l’autorité conjointe par une loi du 13 avril 1995. Depuis cette loi, l’autorité parentale revient conjointement au père et à la mère, que ceux-ci vivent ensemble ou non, sauf décision contraire du juge compétent. Les modalités d’hébergement restent déterminées quant à elles par le juge.

La présente proposition s’inspire largement tant de la législation belge que de la législation française.

La mise en place d’un système uniforme d’exercice de l’autorité parentale aura essentiellement pour conséquence :

que l’autorité parentale ne sera plus exercée exclusivement par la mère en cas de filiation naturelle, celle-ci devant en principe en partager l’exercice avec le père, y compris dans l’hypothèse où les deux parents ne vivent pas ensemble ;

que l’exercice conjoint de l’autorité parentale n’appartiendra plus uniquement au seul parent qui s’est vu, dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce, confier la garde de l’enfant. En uniformisant le système d’exercice de l’autorité parentale, partant en confiant en principe toutes les prérogatives découlant de l’autorité parentale aux deux parents, il est évident que le parent auprès duquel les enfants vivent ne saurait plus prétendre à l’exercice exclusif de l’autorité parentale. Le tribunal ne sera partant plus amené à statuer sur la « garde » des enfants, ainsi que sur « le droit de visite et d’hébergement » du parent non-gardien, mais se prononcera sur l’exercice de l’autorité parentale et sur ses modalités d’application, voire sur le maintien des relations personnelles entre un parent et son enfant au cas où l’autorité parentale ne serait finalement pas exercée par les deux parents conjointement.

L’autorité parentale conjointe signifie que les pères et mères exercent ensemble, et en toutes hypothèses, le pouvoir qui leur reconnu par la loi sur la personne de leur enfant mineur non émancipé, de même que sur les biens de celui-ci. Chacun est supposé agir avec l’accord de l’autre et aucun ne peut prendre seul une initiative qui entraverait l’exercice de l’autre parent de ses prérogatives parentales. En d’autres termes, chaque parent est censé s’assurer du consentement de l’autre avant de prendre une décision.

A noter que l’autorité parentale conjointe n’implique pas que les deux parents doivent se consulter pour toute question, démarche ou décision concernant leur(s) enfant(s). Les décisions quotidiennes telles que celles relatives aux horaires de sorties des enfants, à la supervision des travaux scolaires ou encore aux punitions infligées aux enfants ne nécessitent pas l’accord préalable des deux parents. Il s’agit plutôt d’une manière de prévenir des initiatives intempestives qui seraient prises par un des parents au mépris de l’autre, bien que le domaine des initiatives qui nécessitent l’accord des deux parents est relativement restreint.

L’autorité conjointe ne signifie pas non plus que l’enfant soit « partagé » entre ses père et mère en cas de séparation ou de divorce. Celui-ci résidera habituellement chez un de ses parents, l’autre parent ayant le droit de lui rendre visite et/ou de l’héberger selon l’accord des parents, voire selon la décision du juge compétent. La résidence alternée est également envisageable. Dans cette hypothèse, il y faudra néanmoins déterminer la résidence principale de l’enfant pour des raisons pratiques évidentes.

Le système de l’autorité parentale conjointe a ainsi pour but de permettre aux deux parents de participer à l’éducation de leur enfant, et en cas de séparation, de les pousser à communiquer et à s’entendre dans l’intérêt de leur(s) enfant(s) commun(s). Grâce à l’exercice conjoint de l’autorité parentale, les pères, en particulier, se sentiront moins déconsidérés étant donné qu’ils vont pouvoir détenir, en toute hypothèse, l’autorité parentale. L’obligation faite aux parents de s’entendre au sujet de l’entretien et de l’éducation de leur(s) enfant(s) présente un intérêt et une vertu pédagogiques incontestable, et favorise la responsabilisation des parents.

Si le principe est celui de l’autorité parentale exercée conjointement par les deux parents, le tribunal peut, en cas de séparation ou de divorce, confier l’exercice exclusif de ce pouvoir soit au père soit à la mère lorsque les parents ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale conjointe ou si cet accord lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant concerné.

Dans ce cas, il établit les modalités selon lesquelles celui qui n’exerce pas l’autorité parentale maintient des relations personnelles avec l’enfant. A noter encore dans ce contexte, que le parent non-attributaire de l’autorité parentale conserve le droit de surveiller les décisions prises par l’autre parent concernant l’éducation et l’entretien de l’enfant.

Le texte proposé opère également un changement au niveau de la terminologie utilisée en faisant abstraction des notions de « garde » et de «surveillance », alors que ces termes, ayant un double sens, peuvent prêter à confusion. Les termes de « garde » et de « droit de visite et d’hébergement » sont remplacés par ceux de « modalités d’hébergement » ou encore de « relations personnelles ». Concernant ce point, il est renvoyé au commentaire des articles.

En instituant comme principe l’exercice conjoint de l’autorité parentale, la présente proposition tient compte des évolutions socio-culturelles, ainsi que des principes de non-discrimination et d’éducation assumée par les deux parents tels qu’ils ressortent des articles 2 et 18 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant. Le texte sous rubrique rencontre, en outre, le souci de la Cour Constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg qui considère que l’article 380, alinéa 1er du code civil, en ce qu’il attribue l’autorité parentale d’un enfant naturel reconnu par les deux parents privativement à la mère, n’est pas conforme à l’article 11 (2) de notre Constitution[3].

Dans ce contexte, il échet encore de noter que le Ministre de la Justice a déposé en date du 20 mai 2003 un projet de loi portant réforme du divorce[4]. La présente proposition s’inscrit dans le projet de loi, alors que celui-ci introduit également le principe de l’autorité parentale commune, mais uniquement dans le cadre du divorce des époux. En proposant d’instaurer un système d’exercice uniforme valant pour tous les parents, le texte sous rubrique va ainsi plus loin que le texte gouvernemental. Il confie également plus de pouvoirs au tribunal compétent qui ne se contente pas d’homologuer l’accord des parents. Dans le cadre de la présente proposition, le tribunal peut en effet décider d’attribuer l’autorité parentale à l’un des parents seulement lorsque l’accord des parents lui semble contraire à l’intérêt des enfants.


TEXTE DE LA PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 372 alinéa 2 est modifié et complété de la manière suivante :

« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère aux fins de protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, ainsi que pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant à la prise de décision le concernant en fonction de son âge et de son degré de maturité. »

Article 2

L’article 378 du Code civil est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 378. Si les père et mère sont divorcés ou séparés de corps, l’autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, et la présomption prévue à l’article 375-2 s’applique.

A défaut d’accord sur l’organisation de l’hébergement de l’enfant, sur les décisions importantes concernant sa santé, son éducation, sa formation, ses loisirs et sur l’orientation religieuse ou philosophique ou si cet accord lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant, le tribunal peut confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des parents. Il peut aussi fixer les décisions d’éducation qui ne peuvent être prises que moyennant l’accord des père et mère.

Il établit les modalités selon lesquelles celui qui n’exerce pas l’autorité parentale maintient des relations personnelles avec l’enfant. Ces relations ne peuvent être refusées que pour des motifs graves. Celui qui n’exerce pas l’autorité parentale conserve le droit de surveiller l’éducation et l’entretien de l’enfant. Il pourra obtenir de l’autre parent toutes les informations utiles à cet égard et s’adresser au tribunal compétent dans l’intérêt de l’enfant.

Dans tous les cas, le tribunal détermine les modalités d’hébergement de l’enfant et le lieu où il est inscrit à titre principal, ainsi que la contribution des parents à son entretien et éducation.

Lorsque l’enfant a été confié à un tiers, l’autorité parentale continue d’être exercée par les père et mère ; toutefois la personne à qui l’enfant a été confié accomplit tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation. Le tribunal, en confiant provisoirement l’enfant à un tiers, peut décider qu’il devra requérir l’ouverture d’une tutelle. »

Article 3

L’article 378-1 du Code civil est modifié et complété de la manière suivante :

« Art. 378-1. Le divorce ou la séparation de corps ne fait pas obstacle à la dévolution prévue à l’article 377, lors même que celui des père et mère qui demeure en état d’exercer l’autorité parentale ne se serait pas vu attribuer celle-ci par l’effet du jugement prononcé contre lui.

Néanmoins, le tribunal de la jeunesse pourra toujours être saisi par la famille ou le ministère public, afin de confier l’enfant à un tiers, avec ou sans ouverture d’une tutelle, ainsi qu’il est dit à l’article précédent.

Dans des circonstances exceptionnelles, le tribunal qui statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale après divorce ou séparation pourra décider, du vivant même des parents, que l’enfant n’est pas confié au survivant. Il pourra, dans ce cas, désigner la personne à laquelle l’enfant est provisoirement confié. »

Article 4

L’article 380 du Code civil est modifié et complété comme suit :

« Art. 380. Sur l’enfant naturel l’autorité parentale est exercée par celui des père et mère qui l’a reconnu volontairement au moment de la naissance, s’il n’a été reconnu que par l’un d’entre eux. L’autorité parentale est exercée en commun si l’enfant a été reconnu par les deux au moment de sa naissance. Si la filiation est établie à l’égard de l’un des parents plus d’un an après la naissance de l’enfant et que celui-ci ait été reconnu par l’autre au moment de sa naissance, ce parent reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Toutefois, l’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents s’ils en font la déclaration conjointe devant le juge des tutelles.

Dans tous les cas, le juge des tutelles peut, à la demande du père, de la mère ou du ministère public, modifier les conditions d’exercice de l’autorité parentale à l’égard d’un enfant naturel. Il peut décider qu’elle sera exercée soit par l’un des deux parents, soit en commun par le père et la mère. Les modalités d’exercice de l’autorité parentale en cas de séparation des parents avant ou après la naissance de l’enfant sont déterminées conformément à l’article 378. »

Article 5

L’article 380-1 du Code civil est modifié comme suit :

« Art. 380-1. Les mêmes règles sont applicables, à défaut de reconnaissance volontaire, quand la filiation est établie par jugement, soit à l’égard des deux parents, soit à l’égard d’un seul d’entre eux. Le tribunal peut toutefois toujours décider de confier provisoirement l’enfant à un tiers qui sera chargé de requérir l’organisation de la tutelle. »

Article 6

L’article 387-2 du Code civil est modifié de la façon suivante :

« Art.387-2. Un tribunal peut, quand il est appelé à statuer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou sur l’éducation d’un enfant mineur, avoir égard aux pactes que les père et mère ont pu librement conclure entre eux à ce sujet, à moins que l’un d’entre eux ne justifie de motifs graves qui l’autoriseraient à révoquer son consentement. »

Article 7

Le point 1° de l’article 387-10 du Code civil est modifié comme suit :

« 1° l’exclusion du droit de surveillance, d’hébergement et d’éducation ».

Article 8

L’alinéa 2 de l’article 360 du Code civil est modifié de la manière suivante :

« Lorsque l’adoption a été faite par deux époux ou que l’adoptant est le conjoint du père ou de la mère de l’adopté, les droits visés à l’alinéa qui précède sont exercés conjointement. »

Article 9

L’article 389 alinéa 1 du Code civil est modifié comme suit :

« Art. 389. Les père et mère qui exercent l’autorité parentale sont administrateurs des biens de leurs enfants mineurs non émancipés. »

L’alinéa 3 prend quant à lui la teneur suivante :

« En cas de divorce ou de séparation de corps, l’administration légale appartient aux deux parents lorsque ils exercent l’autorité parentale en commun ou à celui des parents qui l’exerce seul, sauf s’il en a été ordonné autrement. »

Le même article est complété d’un 4ième alinéa, à savoir :

« En cas de filiation naturelle, l’administration légale appartient aux deux parents lorsqu’ils exercent l’autorité parentale conjointement ou à celui qui l’exerce seul, sauf s’il en a été ordonné autrement. »

Un alinéa 5 est également ajouté dont la teneur est la suivante :

« Lorsque le père et la mère n’exercent pas conjointement l’autorité sur la personne de l’enfant, l’autre parent conserve le droit de surveiller l’administration des biens de leurs enfants par l’autre parent. Il pourra obtenir, à ce titre de celui qui exerce l’autorité ou de tiers toutes les informations utiles et s’adresser au tribunal de la jeunesse si l’intérêt de l’enfant le requiert. »

Article 10

L’article 389-1 du Code civil est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 389-1. L’administration légale est pure et simple quand elle est exercée conjointement par les deux parents de l’enfant. »

Article 11

Le point 2° de l’article 389-2 du Code civil est modifié comme suit :

« 2° lorsque les père et mère n’exercent pas conjointement l’autorité parentale »

Le point 3° est abrogé.

Article 12

L’article 302 du Code civil est modifiée et remplacé comme suit :

« Art.302. Le tribunal statuant sur le divorce se prononcera sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, en tenant compte de l’entente entre les parents et suivant ce qu’exigera l’intérêt de l’enfant, conformément aux articles 378 et 389. Il peut décider de confier l’enfant à une tierce personne, parente ou non.

En cas de divorce, le tribunal de la jeunesse pourra toujours par la suite, modifier ou compléter les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Dans l’intérêt des enfants mineurs, le juge peut tenir compte des sentiments exprimés par eux dans les conditions de l’article 388-1. »

Article 13

L’article 303 du Code civil est remplacé par la disposition suivante :

« Art. 303. Le divorce des parents ne met pas fin à leur obligation de contribuer à proportion de leurs facultés à l’entretien et à l’éducation de leur enfant. »


COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Cet article définit l’autorité parentale qui doit être exercée dans l’intérêt de l’enfant. L’enfant est reconnu en tant que sujet de droits qu’il convient d’associer en fonction de son âge et de sa maturité aux décisions prises par ses parents.

L’article 203 du Code civil énonce déjà les obligations des père et mère résultant du mariage et de la filiation. Il semble néanmoins utile de redéfinir ces obligations au niveau du Titre IX.- consacré à l’autorité parentale en vue de préciser le contenu de cette autorité à l’égard de tous les parents.

Il n’est plus fait expressément référence aux termes de «garde » et de « surveillance », afin d’éviter toute confusion, alors que ces concepts ont un double sens. Ainsi « la garde » de l’enfant signifie soit la surveillance des faits et gestes de l’enfant, soit, en cas de séparation des parents, le fait d’avoir l’enfant avec soi. Par « surveillance », on entend soit la surveillance de l’enfant, soit en cas de séparation, la surveillance de ce que décide l’autre parent concernant les enfants.

Il n’en demeure pas moins que l’autorité parentale qui est un ensemble de droits et de devoirs implique dans le chef des parents le droit et le devoir de vivre avec leurs enfants mineurs sous un même toit (droit et devoir de garde) et de surveiller leurs faits et gestes (droit et devoir de surveillance).

Article 2

Cet article détermine le régime légal de l’autorité parentale dans l’hypothèse d’une séparation ou d’un divorce. Il consacre l’exercice conjoint de l’autorité parentale comme principe de base valant pour les parents séparés et/ou divorcés.

Il institue une importante présomption, à savoir que le parent séparé et/ou divorcé est supposé agir avec l’accord de l’autre quand il pose seul un acte ayant trait à l’autorité de la personne de l’enfant. Cette présomption vaut pour tous les actes sans distinction entre les actes usuels ou non usuels.

Il n’est pas toujours aisé de distinguer entre ces deux catégories d’actes, alors qu’une telle distinction est tributaire entre autres des circonstances. Ainsi, le changement de religion dans le chef d’un enfant issu d’une famille traditionnellement pratiquante est un acte essentiel, alors qu’il ne revêt qu’une importance infiniment plus limitée dans le cadre d’une famille non ou peu pratiquante. La distinction entre actes usuels et non usuels est également évolutive dans le temps. A titre d’exemple, l’ouverture d’un compte en banque pour un adolescent est considérée de nos jours comme un acte usuel, alors que tel n’était pas le cas il y a encore une trentaine d’années.

Il peut être retenu que dès lors que l’acte engage l’avenir de l’enfant celui-ci mérite d’être qualifié de non usuel. A noter encore qu’un consensus semble se dessiner selon lequel on ne peut plus imposer certaines décisions à un enfant à partir d’un certain âge.

A défaut d’entente entre les parents ou lorsque celle-ci semble compromettre l’intérêt des enfants, le tribunal compétent peut confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des parents seul. Il peut aussi énoncer les décisions qui ne pourront être prises que moyennant le consentement des deux parents, même si l’autorité est confiée exclusivement à l’un d’entre eux.

Dans tous les cas, il appartiendra au tribunal compétent de déterminer les modalités d’hébergement, terme qui est préféré à ceux de « garde » et de « droits de visite et d’hébergement », alors qu’il correspond davantage à la philosophie sous-jacente à la présente proposition de loi. Le tribunal désigne le parent chez qui l’enfant a sa résidence principale ou habituelle. La fixation de cette résidence ne signifie pas que les formes de « résidence alternée » soient interdites. Il échet toutefois de ne pas oublier qu’une telle solution n’est possible que si toutes les parties, y compris les enfants, sont d’accord, qu’elles résident à proximité l’une de l’autre, et qu’un certain climat de confiance règne entre les parents. A noter que par « modalités d’hébergement », on n’entend pas uniquement la fixation de la résidence principale de l’enfant. Il s’agit aussi de déterminer les droits d’hébergement du parent auprès duquel l’enfant ne réside pas habituellement.

Le tribunal fixe également les modalités selon lesquelles le parent, qui n’exerce pas l’autorité parentale, maintient des relations personnelles avec ce dernier. Ainsi, le parent non attributaire de l’autorité parentale a le droit de rendre visite à ses enfants et de les héberger. La notion de « relations personnelles » remplace celle de « droit de visite et d’hébergement ». A noter encore que le droit aux relations personnelles ne peut être refusé que pour des motifs graves.

Il appartient encore au tribunal de fixer le droit du parent, qui n’exerce pas l’autorité parentale, de surveiller l’éducation de l’enfant, ainsi que de déterminer la contribution des parents à l’entretien et l’éducation des enfants peu importe que l’autorité parentale soit exercée conjointement ou non.

Le dernier aliéna est repris de l’actuel article 378, mais a été modifié en ce sens que le terme de « garde » n’a pas été repris afin d’éviter toute confusion. Il a été également précisé que la tierce personne qui se voit confier l’enfant peut accomplir tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation. Une telle précision, inspirée de l’article 373-4 du code civil français, semble indiquée afin de délimiter les actes que les tiers ont le droit d’accomplir et qui sont nécessaires sans que les parents aient besoin d’intervenir continuellement pour donner leur accord.

Article 3

Les termes de « garde » et de « tiers gardien » ont été remplacés.

Article 4

Cet article détermine le régime légal de l’autorité parentale dans l’hypothèse d’une filiation naturelle en distinguant les filiations établies à l’égard des deux parents dès la naissance de l’enfant ou à l’égard de l’un d’entre eux seulement. Il consacre le principe de l’autorité parentale conjointe au cas où l’enfant naturel est reconnu volontairement par ses deux parents au moment de la naissance ou au plus tard un an après sa naissance par celui des parents envers lequel la filiation n’a pas été établie directement au moment de la naissance.

Il semble nécessaire de laisser un délai de un an, alors qu’il arrive parfois que le père, pour une raison ou une autre, n’apprenne la naissance de son enfant qu’une fois que celui-ci soit né. Le délai a été limité à un an, alors qu’on peut estimer que passé ce terme, le père ne souhaite pas avoir de contact avec son enfant ou du moins ne désire pas s’investir complètement dans l’éducation de celui-ci en partageant l’autorité parentale avec la mère. Il n’est d’ailleurs pas dans l’intérêt de l’enfant qu’un parent se manifeste ultérieurement et souhaite intervenir dans son éducation, alors que pendant des années l’autre parent fut le seul à prendre des décisions et à supporter la lourde responsabilité liée à son éducation.

Cet article tient compte de l’arrêt rendu par la Cour Constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg en date du 26 mars 1999 en ce qu’elle considère l’actuel article 380 al 1er du Code civil comme non conforme au principe d’égalité tel que défini à l’article 11 (2) de la Constitution.

Les modalités d’exercice de l’autorité parentale sont déterminées conformément à l’article 378 au cas où les parents d’un enfant naturel ne vivent pas ou plus ensemble.

Article 5

Cet article a trait à la reconnaissance judiciaire de la filiation. La modification apportée consiste en le remplacement du terme de « garde ».

Article 6

Dans la mesure où il est proposé de changer la terminologie utilisée, il est apparu nécessaire de modifier l’article sous rubrique en remplaçant le terme de « garde » par celui de « modalités d’exercice de l’autorité parentale », ce terme englobant notamment les modalités d’hébergement de l’enfant.

Article 7

L’expression « droit de garde » a été remplacée dans ce contexte par celle de « droit de surveillance et d’hébergement ».

Article 8

Cet article détermine les effets de l’adoption simple en matière d’autorité parentale. Il est suggéré de modifier son alinéa 2 en ce sens que les droits découlant de l’autorité parentale seront exercés conjointement en cas d’adoption par eux époux ou lorsque l’adoptant est le père ou la mère de l’adopté. L’actuel alinéa 2 se réfère aux père et mère légitimes, or une telle référence est contraire à l’esprit de la présente proposition.

Article 9

Plusieurs modifications sont nécessaires au niveau de l’article 389 du Code civil afin de tenir compte des changements et adaptations suggérés au niveau des dispositions relatives à l’autorité parentale.

A l’alinéa 1er les termes de « légitimes » et « naturels » ont été abrogés puisque la présente proposition a pour objet de mettre les parents quelque soit leur état sur le même pied d’égalité. Il suffit dès lors de préciser dans le code civil que les père et mère qui exercent l’autorité parentale sont les administrateurs des biens de leurs enfants sans qu’il soit nécessaire de préciser qu’ils sont légitimes ou naturels.

L’alinéa 3 quant à lui précise à nouveau que l’administration légale appartient aux parents même en cas de divorce ou de séparation dès lors que l’autorité parentale est exercée conjointement. Un 4ième alinéa relatif aux droits des parents dans le cadre d’une filiation naturelle est ajouté.

Il est également ajouté un 5ième alinéa qui prévoit que lorsque l’autorité parentale est exercée exclusivement par l’un des parents, qui dans ce cas est seul habilité à administrer les biens de l’enfant, l’autre se voit reconnaître un droit de surveillance. Il semble utile de rappeler les droits de ce parent au niveau de l’administration légale conformément à ses droits au niveau de la personne de l’enfant tels que définis par l’article 378.

Article 10

Cet article a trait à l’administration légale pure et simple. Il est proposé de modifier l’article 389-1 du Code civil sous rubrique afin de le rendre conforme à l’esprit de la loi. L’administration légale est pure et simple dès lors que les parents exercent l’autorité parentale conjointement. Il est renvoyé pour le détail du bien-fondé de cette modification à l’article suivant.

Article 11

L’actuel article 389-2 prévoit que l’autorité parentale est placée sous contrôle du juge des tutelles en cas de décès de l’un des parents, si l’un des parents se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 376, en cas de séparation ou de divorce des parents ou encore en cas de filiation naturelle peu importe que l’enfant ait été reconnu par un de ses parents ou par les deux.

Si cette règle peut s’expliquer dans un régime où l’autorité parentale n’est en principe exercée conjointement que dans le cadre du mariage des parents à l’égard des enfants légitimes ou légitimés, elle n’a plus aucun raison d’être dans un système dans lequel l’exercice conjoint de l’autorité parentale est érigé en principe de base quelque soit la situation des parents ou des enfants, et qui permet ainsi à chaque parent d’intervenir sur pied d’égalité dans l’éducation de son enfant.

En outre, l’exercice de l’autorité parentale sous contrôle judicaire paraît également, du moins dans certaines hypothèses, difficilement conciliable avec les principes de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. Celle-ci met en effet l’accent sur la responsabilité des parents en matière d’éducation de leurs enfants. Or, continuer à placer l’exercice de l’autorité parentale par des parents divorcés ou séparés, ou encore des parents non-mariés d’un enfant naturel sous contrôle judiciaire c’est d’une part instituer à l’égard de certains parents une présomption d’incompétence, et d’autre part favoriser la déresponsabilisation des parents.

L’exercice de l’autorité parentale sous contrôle judiciaire ne semble fondé que dans le cas de figure où l’autorité parentale est exercée de manière exclusive par l’un des parents. L’intérêt de l’enfant, voire celle de l’autre parent, exige dans cette hypothèse un tel contrôle judiciaire afin d’éviter des abus possibles. Le droit de surveillance, que la présente proposition se propose de reconnaître formellement à celui des parents qui n’exerce pas l’autorité parentale ensemble avec l’autre parent, constitue certes une garantie mais semble insuffisante, de sorte qu’il y a lieu de maintenir l’exercice de l’autorité parentale sous contrôle judiciaire en cas de décès de l’un des parents, ainsi que lorsque les parents n’exercent pas l’autorité parentale de manière conjointe ou lorsque l’un des parents se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 376 (p.ex. déchéance de l’autorité parentale).

Article 12

Le terme de « garde » a été supprimé. Le tribunal se prononcera sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale conformément aux articles 378 et 389 du Code civil. Il est évident que les modalités d’exercice de l’autorité parentale pourront par la suite toujours être modifiées ou complétées par le tribunal.

L’article sous rubrique ne contient plus aucune référence au droit de visite et d’hébergement. Une telle référence semble inutile, alors que l’article 378, auquel par ailleurs il est renvoyé, détermine les différentes modalités de l’exercice de l’autorité parentale et dispose que le tribunal devra fixer les modalités d’hébergement de l’enfant, ainsi que celles selon lesquelles celui qui n’exerce pas l’autorité parentale pourra maintenir des relations personnelles avec l’enfant.

Article 13

Cet article a trait à l’obligation d’entretien des enfants qui pèse sur les parents et qui continue même après que le mariage ait été dissout. Chaque parent est tenu de contribuer à l’entretien et à l’éducation de ses enfants qu’il exerce ou non l’autorité parentale.



[1]Loi du 6 février 1975, Mémorial 1975 p. 260

[2]Documents et travaux parlementaires n° 1548,1571,1624, Avis du Conseil d’Etat du 7 juillet 1972, Propositions gouvernementales en vue des textes à retenir par la Chambre des Députés du 8 février 1973.

[3]Arrêt n° 7/99 du 26 mars 1999, Mémorial A n° 41 du 20 avril 1999, pages 1087 et ss.

[4]Doc. parl. 5155.