Trois questions à Erna Hennicot-Schoepges

Trois questions à Erna Hennicot-Schoepges

1) Les réactions des syndicats sont-elles fondées au point de vouloir organiser une grève générale ? On ne peut mettre en relation directe le bilan intermédiaire et l’annonce d’une grève générale par un syndicat. Le Gouvernement a réussi à boucler des dossiers épineux comme p.ex. le plan hospitalier avec la décision sur l’implantation du centre de réhabilitation. Je mentionnerais aussi la décision sur les contournements des localités de Kehlen et de Bridel, la liaison de l’aéroport à la Ville de Luxembourg par le transport en commun.

Le budget de 2001 prévoit des réductions d’impôts en faveur des personnes physiques, l’ajustement des pensions et l’allocation d’une indemnité de chauffage. Une fois de plus le Premier Ministre Jean-Claude Juncker a réussi à négocier habilement le dossier de l’harmonisation fiscale au niveau européen. L’action du Gouvernement a su sauvegarder les intérêts de la place financière.

En fait, l’objet de discorde entre le Gouvernement et les syndicats reste toujours la question des pensions du secteur privé. Le Gouvernement est conscient de sa responsabilité pour les générations futures, et j’espère que le “Rentendësch” annoncé par le Premier Ministre dans sa déclaration sur l’état de la nation sera bientôt convoqué pour voir s’il n’y a pas d’accord possible sur ce sujet épineux.

La situation économique de notre pays est de loin la meilleure en Europe. L’idée d’une grève générale ne suscite qu’incompréhension auprès de nombreux citoyens.

2) L’opposition politique semble bien discrète. Comment expliquez-vous ce manque d’agressivité ? Je ne trouve pas que l’opposition soit trop discrète, bien au contraire – elle fait son travail au Parlement de manière très active. Elle exerce p.ex. le contrôle de l’exécution budgétaire avec assiduité et en faisant usage de tous les moyens parlementaires à sa disposition. Votre appréciation tient probablement du fait que le travail parlementaire est sous estimé par le grand public. Le parti socialiste a fait partie du Gouvernement pendant trois périodes électorales. Il serait bien incrédible s’il rejetait maintenant toutes les politiques qu’il a contribué à mettre en route et approuvées en tant que membre de la coalition. Cela est vrai pour les grands dossiers comme l’assurance maladie et les pensions. Un parti qui se respecte ne peut pas changer de politique du jour au lendemain sans faire valoir des arguments solides. Le POSL a certainement encore en mémoire son virement abrupt en matière de politique des pensions quinze jours avant les élections de juin 1999. Cela ne lui a pas porté chance.

3) Les syndicats, pour leur part, semblent beaucoup plus actifs que l’opposition à la chambre. Ne prennent-ils pas la relève des partis ? Les grands syndicats ont depuis toujours joué un rôle prépondérant dans notre pays. Cela explique aussi le succès du “modèle luxembourgeois” et de la tripartite. Les moments difficiles des crises sidérurgiques ont pu être maîtrisés grâce à l’action coordinée des syndicats, du gouvernement et du patronat.

Les effets de la globalisation lancent de nouveaux défis aux syndicats. Qu’ils défendent d’abord leur acquis social, c’est bien leur raison d’être, leur légitimation. Les syndicats seront toujours des interlocuteurs puissants. Je ne pense pas qu’ils pourront remplacer les partis politiques.

S’il vous semble que l’OGBL est entrain de prendre la relève du POSL, je dirais plutôt que jamais le POSL n’a agi sans l’accord de l’OGBL. Dans cet ordre d’idées, l’annonce d’une grève générale par l’OGBL peut être interprétée comme une grève politique qui vise le gouvernement plutôt que le patronat.

(voir également Le Jeudi 1.12.2000)