Monsieur le Président,
Conformément à l’article 84 du Règlement de la Chambre des Députés, je souhaiterais poser une question urgente à Messieurs les Ministres des Finances et de l’Economie au sujet de la possibilité de report pour les entreprises et les indépendants des éventuels déficits auxquels ils devront faire face suite à la crise sanitaire.
Il est un fait que beaucoup d’entreprises et d’indépendants connaissent ou vont connaître une chute de leur chiffre d’affaires et subiront un déficit pour l’année en cours, et ce en raison des mesures de confinement prises tout au début de la crise sanitaire actuelle et de la fermeture de nombreux commerces et entreprises. Ces entreprises et indépendants connaissent des problèmes de liquidités. Il est vrai que les mesures prises par le gouvernement permettent de minimiser les conséquences de la pandémie au niveau de leur liquidité. Il n’en demeure pas moins qu’une partie des aides accordées ne constituent qu’une bouffée d’oxygène momentanée, alors qu’elles ne constituent que des avances remboursables. Tôt au tard, le problème de la liquidité rattrapera de nombreuses entreprises et indépendants. Il me semble cependant que si on veut venir en aide au tissu économique du pays pour faire face aux effets économiques néfastes de la pandémie Covid-19, il est important de prévoir des mesures à court terme -comme l’a d’ailleurs fait le gouvernement-, mais aussi des mesures à moyen et surtout à long terme.
Dans ma question parlementaire n°2054, j’avais déjà attiré l’attention des Ministres sous référence de la possibilité telle qu’elle existe dans certains pays de reporter le déficit ou une partie de celui-ci. Dans leur réponse commune du 12 mai 2020, Messieurs les Ministres ont reconnu qu’un tel système de report existe dans d’autres pays et permet p.ex. de reporter le déficit subi au cours d’une année sur le bénéfice réalisé au cours de l’exercice précédent voire sur les exercices fiscaux futurs. Ils concluent cependant qu’un report rétrospectif ne constitue pas une piste permettant de préserver la liquidité et la rentabilité à court des entreprises et indépendants dans le cadre du Covid-19, alors qu’il serait difficile voire impossible de déterminer les pertes établies pour 2020 et pouvant faire l’objet d’un report. Ils ne font que rappeler les différentes mesures déjà prises par le gouvernement pour estimer le débat clos.
A noter par ailleurs dans ce contexte que si des difficultés devaient apparaître dans la détermination des pertes pour 2020, il sera aussi difficile pour le gouvernement de faire des prévisions exactes quant aux impôts que les contribuables vont effectivement devoir payer voire les montants des avances que les contribuables doivent verser ne correspondent à aucune réalité. Le fait d’énoncer parmi les mesures prises pour venir en aide aux entreprises la possibilité de demander la mise à zéro des avances pour les deux premiers trimestres 2020 ne constitue partant pas une mesure adéquate puisque les avances ont été calculées à partir des données des années précédentes, donc sur des données qui ne sont plus d’actualité compte tenu de des conséquences de la pandémie Covid-19 sur le tissu économique.
Or, comme submentionné, ces aides ne permettent qu’un soulagement instantané mais non de longue durée. Monsieur les Ministres ne tiennent pas compte non plus que de nombreux systèmes fiscaux connaissent un tel système de report, et que les pays mentionnés, sauf erreur, n’ont pas abrogé ou suspendu leurs dispositions relatives au report de déficit durant l’état de crise Covid-19. Si partant des pays connaissent des systèmes de report de déficit, et que ces systèmes ne sont pas actuellement abrogés ou suspendus, il n’y a aucune raison objective à refuser d’envisager la mise en place d’un tel système et éventuellement à prévoir une analyse de nos dispositions fiscales dès à présent pour poser dans les semaines et mois à venir les jalons d’un réel programme d’aide et de stabilisation de notre économie.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Messieurs les Ministres des Finances et de l’Economie :
- Messieurs les Ministres estiment-ils que les problèmes de liquidité et de rentabilité des entreprises et des indépendants sont des problèmes à court terme qui ne risquent pas de se reposer au moment où p.ex. les subventions en capital sous forme d’avance doivent être remboursées ou lorsque les contribuables, qui ont demandé à bénéficier de la mise à zéro des avances concernant l’impôt sur le revenu et de l’impôt commercial, seront appelés à régler l’entièreté de ces impôts ?
- Dans la négative, ne faudrait-il pas étoffer les mesures ayant pour but de préserver la liquidité et la rentabilité des entreprises et indépendants durement touchés par la crise Covid-19 en mettant en place des mesures innovantes pour notre système fiscal ? Dans l’affirmative, le système du report tel qu’il existe dans certains pays ne constitue-t-il pas une telle mesure ? Toujours dans l’affirmative, ne pourrait-on pas innover en prévoyant des mesures de report sur les exercices futurs créant ainsi un système particulier destiné à pouvant être mis en œuvre p.ex. lors de crises ou autres cas de force majeure ?
- Quelles sont les difficultés d’ordre comptable et fiscal qui empêchent la mise en place d’un système de report « loss carry back » dans le cadre actuel? En temps normal, n’y a-t-il aucune difficulté à déterminer les pertes à prendre en considération dans le cadre d’un report respectivement quelles sont les différences entre le système de report en temps normal et en temps de crise ?
- Messieurs les Ministres peuvent-ils confirmer que les pays qui connaissent un système de report de déficit n’ont pas suspendu ce système en raison de la pandémie actuelle ? Dans l’affirmative, ne pensent-ils pas qu’il faudrait s’inspirer de ces modèles et adapter notre système fiscal au plus vite ?
- En tout état de cause, quelles sont les mesures que le gouvernement entend encore prendre afin de consolider la situation des entreprises et indépendants à long terme ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.
Marc Spautz
Député
Zréck