Monsieur le Président,
Par la présente, nous avons l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 84 du Règlement de la Chambre des Députés, nous souhaiterions poser une question urgente à Madame le Ministre de l’Intérieur et à Monsieur le Ministre du Logement concerne l’exercice du droit de préemption par les communes.
Dans un arrêt tout récent du 5 janvier 2021 (n°44939C), la Cour administrative vient de préciser l’exercice du droit de préemption par les autorités communales en recadrant certaines exigences découlant du jugement de première instance.
La Cour rappelle dans ce contexte qu’ « Il est sous-jacent à l’économie de la loi pacte logement dès ses origines que le législateur a entendu mettre en place une procédure utile et efficiente de nature à garantir l’objectif visé : celui de permettre aux communes d’acquérir des terrains pour lesquels elles s’engagent à œuvrer dans le sens voulu par la loi, qui consiste essentiellement à dynamiser la création de logements pour personnes économiquement plus faibles, accessoirement celle de travaux d’infrastructures et d’équipements collectifs afférents.
Eu égard aux délais stricts et essentiellement courts impartis – compte tenu de l’importance de la décision à prendre – le seul système utilement praticable au stade actuel et dans les conditions tracées par la loi est celui inspiré par le régime des autorisations d’ester en justice pratiqué depuis longue date par le comité du contentieux et repris par les juridictions de l’ordre administratif, système ci-avant déjà esquissé.
Toujours eu égard aux délais essentiellement courts, il y a lieu d’admettre que l’organe exécutif de la commune, à savoir le collège échevinal, puisse prendre la décision d’exercice du droit de préemption prévu par la loi pacte logement.
En ce que l’opération aboutit nécessairement à faire entrer dans le patrimoine communal un nouvel immeuble, cette acquisition nécessite en plus l’intervention du conseil communal à un stade utile de la procédure. Dès lors, la décision d’exercice du droit de préemption par le collège échevinal n’est envisageable que sous obligation d’entérinement par le conseil communal en temps utile et, en toute occurrence, avant que n’ait lieu la passation de l’acte notarié à dresser, qui, d’après les prévisions de la loi, doit intervenir dans les trois mois de la notification de la décision d’exercice du droit de préemption au notaire, et, le cas échéant, la décision de tutelle du ministre compétent. »
Elle indique aussi que « le droit d’exercer le droit de préemption comporte nécessairement l’obligation pour la commune préemptante d’indiquer avec clarté et précision l’objectif concret rentrant parmi au moins l’un des trois motifs prévus par la loi – création de logements accessibles pour des personnes économiquement plus faibles – travaux de voirie et d’infrastructure – travaux d’équipements collectifs – en ce que cette indication comporte l’engagement pour la commune de procéder à la réalisation de l’objectif indiqué dans une optique d’application efficiente de la loi conformément à son but. »
Elle conclut donc à l’annulation des décisions communales en ce que « l’autorité communale n’a pas indiqué avec précision le motif pour lequel elle entendait procéder à pareil exercice, étant entendu que par la suite le conseil communal, en entérinant à l’unanimité cette démarche, n’a pas non plus précisé d’une quelconque manière le motif prévu par la loi de nature à la sous-tendre. »
Avant de préciser que « Si la Cour a été amenée de la sorte à confirmer la solution dégagée par les premiers juges, elle doit cependant rendre attentif au fait qu’elle n’a pas retenu l’exigence du tribunal consistant dans l’obligation des autorités communales de faire état, dès l’exercice de leur droit de préemption, d’un projet concret voire d’un projet suffisamment en voie de concrétisation. Aux yeux de la Cour, pareille exigence serait disproportionnée en ce qu’il ne peut pas être raisonnablement mis à charge d’une commune de mettre en avant dans un laps de temps éminemment court un projet qu’elle serait, le cas échéant, amenée à confectionner ex nihilo pour les besoins de la cause. De plus, si dans le cas sous rubrique, pareille confection à court terme d’un projet eut en plus été envisageable, il existe maintes hypothèses découlant de la loi où les terrains préemptés ne font même pas encore partie du périmètre d’agglomération et ne sont pas directement constructibles, la destination précise de ces terrains ne se trouvant, par la force des choses, non arrêtée définitivement. »
Au vu de ces précisions, nous aimerions poser les questions suivantes à Madame et Monsieur les Ministres :
- Quelle est l’appréciation de Madame et Monsieur les Ministres de cet arrêt récent ?
- Madame le Ministre ne considère-t-elle pas qu’au vu de cet arrêt de la Cour administrative, sa circulaire n°3778 du 5 mars 2020 est devenue, du moins partiellement, sinon totalement, caduque ? Madame le Ministre entend-elle dès lors la retirer et informer les autorités communales des enseignements qui se dégagent de cet arrêt ?
- Alors que Madame le Ministre avait annoncé dans sa circulaire que « Le Gouvernement mettra prochainement à l’examen le dispositif légal actuellement en place », Madame et Monsieur les Ministres peuvent-ils confirmer qu’ils tiendront dûment compte de cet arrêt dans la confection d’un nouveau projet de loi ?
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.
Laurent Mosar Député |
Serge Wilmes Député |