Réponse à la question N° 3290 (Question écrite) de Monsieur Laurent Mosar, Député concernant Sans-papiers et Centre de rétention, par Monsieur Jean Asselborn, Ministre de l’Immigration et de l’Asile, Monsieur Félix Braz, Ministre de la Justice: QP 3290
Monsieur le Président,
Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que conformément à l’article 80 du Règlement de la Chambre des Députés, je souhaiterais poser une série de questions à Monsieur le Ministre de l’Immigration et de l’Asile et à Monsieur le Ministre de la Justice concernant les sans-papiers et le Centre de rétention.
Dans leur réponse commune à ma question urgente n° 3280 du 8 septembre 2017 concernant un cas de traite d’êtres humains, le Ministre des Affaires étrangères et européennes et le Ministre de la Justice ont affirmé que « Dans la mesure où les faits auraient pu constituer une infraction à l’article 140 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, les concernés ont été interrogés et ont fait l’objet d’une vérification d’identité. Les intéressés n’ayant finalement commis aucune infraction, le Parquet n’a pas fait procéder à leur arrestation. »
Il est rappelé que la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration prévoit en son article 140 que : « L’étranger qui est entré ou a séjourné sur le territoire luxembourgeois sans satisfaire aux conditions légales ou qui s’y est maintenu au-delà de la durée autorisée ou qui ne se conforme pas aux conditions de son autorisation est puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de 251 à 1.250 euros ou d’une de ces peines seulement. »
Dans la réponse commune susmentionnée, on peut encore y lire qu’un « placement en rétention n’a pas été décidé au vu des capacités libres au niveau du Centre de rétention, mais également au vu de la finalité d’un tel placement. »
Ces deux réponses sont contradictoires. En effet, de deux choses l’une : soit il y a « infraction » à la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration, en ce sens que l’étranger n’est pas entré en règle sur le territoire luxembourgeois et alors la rétention est une possibilité, soit il n’y a pas d’infraction, et alors nul besoin de parler d’un éventuel placement au « Centre de rétention ».
Quant aux capacités du Centre de rétention, les Ministres ont précisé « qu’entre le 1er janvier et le 10 septembre 2017, la capacité maximale de 45 places des hommes célibataires fut atteinte seulement 17 fois », alors que les 14 chambres réservées aux familles et aux femmes célibataires ne furent jamais occupées complètement. Les Ministres rappellent par ailleurs que la capacité du Centre de rétention a été récemment augmentée suite à une réorganisation interne, laissant place à une unité supplémentaire pour hommes célibataires et l’ouverture de la Structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg, utilisée comme alternative à la rétention permettant ainsi de désengorger davantage le Centre de rétention.
Au vu de ce qui précède, j’aimerais poser les questions suivantes aux Ministres précités :
- Messieurs les Ministres peuvent-ils me dire si les personnes ayant été retrouvées à l’intérieur d’un camion sur l’aire de Berchem le 8 septembre dernier étaient ou non en possession de documents valables conformément à la Convention d’application de l’accord de Schengen respectivement à la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration ?
- Dans la négative, Messieurs les Ministres n’estiment-ils pas qu’en laissant partir les personnes en question, l’État luxembourgeois s’est mis en porte à faux, alors qu’il n’a pas rempli toutes les obligations prévues par la Convention d’application de l’accord de Schengen notamment à l’article 5 qui prévoit que l’État ne peut accorder l’entrée sur son territoire à l’étranger lorsque celui-ci ne remplit pas les conditions, dont la possession de documents ou d’un visa valables, permettant le franchissement de la frontière ?
- S’agit-il d’une pratique courante de laisser courir les personnes entrées de manière irrégulière sur le territoire notamment lorsque les structures telles que le Centre de rétention sont surpeuplées au moment des faits ? Ou bien s’il s’agit d’un fait isolé, quelles sont en principe les procédures appliquées par la Direction de l’immigration respectivement les autorités judiciaires lorsqu’une personne sans papiers valables entre sur le territoire luxembourgeois et donc dans l’espace « Schengen » ?
- Dans l’hypothèse d’une pratique courante, le gouvernement ne dispose-t-il pas d’autres moyens que de laisser « filer » les personnes en question ? Celles-ci n’auraient-elles pas pu être mises en détention, alors qu’il y a manifestement contravention à la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l’immigration ? D’ailleurs lorsque les Ministres parlent des capacités du Centre de rétention – qui n’auraient pas permis un placement – un placement dans les autres structures disponibles suite à la réorganisation interne du Centre de rétention voire l’ouverture d’une unité supplémentaire a-t-il été envisagé ? Si non, quelles en sont les raisons ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma parfaite considération.
Laurent Mosar
Député
Zréck