Le versement des allocations différentielles à des frontaliers belges

Une question parlementaire du député Marc Spautz à Madame la Ministre de la Famille et de l’Intégration Marie-Josée Jacobs.

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 76 du règlement de la Chambre des Députés, je souhaiterais poser une série de questions à Madame la Ministre de la Famille et de l’Intégration concernant (I) le versement des allocations différentielles à des frontaliers belges et (II) l’assimilation des interruptions de carrière et le crédit-temps reconnus en droit belge à une prestation familiale.

I.) Les familles frontalières belges bénéficiant d’allocations familiales en Belgique et d’un complément différentiel de la part du Luxembourg percevaient ce complément sur base semestrielle.

La Caisse nationale des prestations familiales (CNPF) vient récemment de changer les modalités de calcul du complément des prestations familiales. Celui-ci n’est plus calculé semestriellement, mais annuellement. D’après mes informations, ce changement, qui serait purement transitoire, s’expliquerait par le fait que des négociations sont en cours avec les organismes belges compétents en la matière afin de remplacer le système actuel de l’allocation différentielle par celui du versement mensuel des allocations au taux plein avec compensation à posteriori entre Etats.

S’il ne fait aucun doute que ce nouveau système permettra de remédier aux difficultés administratives et aux retards constatés au niveau du traitement des dossiers « allocations différentielles », il n’en demeure pas moins que la situation transitoire actuelle pose problème notamment aux familles nombreuses ou à revenus modestes : Pour ces familles le versement semestriel était la bienvenue et permettait de faire face aux dépenses importantes relatives à l’éducation de leurs enfants, p.ex. scolarité de ceux-ci au moment de la rentrée. Avec le système transitoire, ces familles sont obligées d’attendre un an avant de toucher le complément des prestations familiales auquel elles ont droit. Une situation intenable pour de nombreuses familles qui dépendent de cette manne financière.

Dans ce contexte, j’aurais souhaité avoir les précisions suivantes de Madame la Ministre de la Famille et de l’Intégration :

1. A quel stade se trouvent les négociations avec l’Etat belge respectivement les caisses belges en vue de conclure une convention bilatérale réglant le mode de calcul et de versement des allocations familiales à des travailleurs frontaliers belges ? Dans quel délai le gouvernement pense-t-il que cette convention pourra entrer en vigueur ?

2. Le gouvernement ne pense-t-il pas pouvoir revenir à un versement semestriel du complément des prestations familiales en attendant que le nouveau système soit mis en place, une telle possibilité permettant aux familles les plus démunies de se sortir de l’impasse financière dans laquelle elles se trouvent depuis le changement de périodicité dans le versement des allocations différentielles ?

II.) Depuis quelques mois, la CNPF assimile l’interruption de carrière belge et le « crédit-temps » à une prestation familiale, de sorte qu’elle intègre les indemnités versées au titre de ces mesures dans le calcul des allocations familiales différentielles. Il s’en suit que les indemnités pour interruption de carrière ou crédit-temps octroyées par l’Administration de l’emploi belge sont déduites des allocations différentielles versées par le Luxembourg. La conséquence de cette assimilation est que de nombreuses familles belges se trouvent privées de l’allocation différentielle.

La CNPF se base pour justifier sa décision sur un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes du 7 septembre 2004 (affaire C-469/02). La Cour avait été saisie pour trancher principalement un litige concernant le critère de résidence imposé par l’Etat belge pour l’octroi des indemnités d’interruption de carrière à des frontaliers travaillant en Belgique et résidant en France. Dans cette affaire, la Cour a abordé subsidiairement la question de la qualification de ces indemnités en tant que prestation familiale ou de chômage.

Si la Cour retient le caractère de prestation familiale dans l’affaire dont elle a été saisie, elle n’a nullement qualifié de manière générale les allocations versées en cas d’interruption de carrière de prestations familiales. Elle a plus particulièrement retenu « En ce qui concerne (…) le cas des allocations d’interruption de carrière octroyées, sous certaines conditions, aux travailleurs interrompant leur carrière dans le cadre d’un congé parental, doit être assimilée à une prestation familiale, au sens des articles 1er, sous u), i), et 4, paragraphe 1, sous h), du règlement n°1408/71, une prestation qui vise à permettre à l’un des parents de se consacrer à l’éducation d’un jeune enfant, plus précisément à rétribuer l’éducation dispensée à l’enfant, à compenser les autres frais de garde et d’éducation et, le cas échéant, à atténuer les désavantages financiers qu’implique la renonciation à un revenu provenant d’une activité professionnelle. Dès lors qu’il est constant, en l’espèce, que tels sont précisément les objectifs poursuivis par la législation nationale en cause, les allocations d’interruption de carrière octroyés dans le cadre d’un congé parental constituent des prestations familiales (…) ».

La CNPF ne saurait dès lors se baser sur cet arrêt et tenir compte lors du calcul et du versement des allocations différentielles des indemnités versées à titre d’interruption de carrière par des organismes belges sans distinguer entre les différentes formes d’interruptions de carrière (p.ex. pour convenance personnelle, pour formation ou encore pour assistance médicale d’un membre de la famille).

A noter que par « crédit-temps » on entend en principe le système d’interruption de carrière « ordinaire » pouvant être obtenu pour n’importe quel motif. Selon l’Administration de l’emploi belge, le « crédit-temps » est un système de conciliation entre l’emploi et la qualité de vie. Il s’ensuit que la CNPF ne saurait pas non plus assimiler les allocations dues au titre du « crédit-temps » aux indemnités d’interruption de carrière versées dans le cadre d’un congé parental, qui peuvent seules être assimilées à des prestations familiales.

Je suis par ailleurs d’avis que mêmes les interruptions de carrière belges demandées dans le cadre d’un congé parental, qui finalement sont des revenus de remplacement au même titre que le congé parental ou une allocation d’éducation, ne sont pas assimilables à une allocation familiale classique. Si tel était le cas, un résident du Luxembourg bénéficiant d’un congé parental ne pourrait plus percevoir parallèlement des allocations familiales.

Dans ce contexte, j’aurais souhaité savoir de Madame la Ministre de la Famille et de l’Intégration :

1. Le gouvernement partage-t-il l’approche, et plus particulièrement l’interprétation de la CNPF ?

2. Le gouvernement entend-il prendre des mesures afin de corriger les inconvénients d’une telle approche ou interprétation excessive ? Dans l’affirmative, de quelles mesures s’agit-il ? Toujours dans l’affirmative, ces mesures auront-elles un certain effet rétroactif et s’appliqueront-elles aux dossiers en cours ?

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma parfaite considération.

Marc Spautz
Député

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