“Une garantie de paix sociale”.

François Biltgen est ministre du Travail et de l’Emploi depuis 1999. Presque dix ans qu’il fréquente les partenaires sociaux en tant que ministre. Pour François Biltgen, le tripartisme protège le pays des conflits sociaux.

Le Quotidien: Peut-on réellement dire que le tripartisme caractérise les relations professionnelles au Luxembourg?

François Biltgen: On peut le dire sans aucun doute. D’autant plus qu’on décline ce tripartisme sur plusieurs niveaux. Il n’y a pas seulement le comité de coordination tripartite, cet instrument de crise, convoqué pour résoudre les problèmes économiques luxembourgeois. Mais on retrouve la structure tripartite dans beaucoup de secteurs. On la retrouve aussi dans la collaboration des différentes institutions. On est l’un des rares pays qui possèdent des chambres professionnelles qui participent au processus législatif. Le Conseil économique et social, un peu moins, parce que ce n’est pas l’État qui y est représenté, mais des experts des différentes administrations qui y assistent. Après, on a encore beaucoup d’autres instruments. 

Le Quotidien: Lesquels?

François Biltgen: Un tout nouveau par exemple: le Comité permanent du travail et de l’emploi où le gouvernement se réunit avec les partenaires sociaux pour discuter d’une part des emplois et d’autre part du droit du travail. C’est donc encore un autre organe qui permet d’une part avec le gouvernement, d’autre part avec les partenaires sociaux, de voir ce qui se passe à l’administration du travail et aussi à l’inspection du travail. Le fait de se voir régulièrement produit beaucoup de résultats positifs. Parce qu’on est dans un dialogue où l’on ne discute pas que bilatéralement les uns avec les autres, mais qu’on entre réellement dans un dialogue coordonné.

Le Quotidien: Peut-on parler d’un véritable modèle luxembourgeois?

François Biltgen: C’est une question sur laquelle on a déjà beaucoup écrit. L’idée n’est pas née au Luxembourg et d’autres pays ont également une forme de dialogue social quand ils font quelque chose. Chez nous, c’est peut-être plus dans les us et coutumes. Quand on regarde en arrière la stratégie européenne de l’emploi menée au Luxembourg sur plus de dix ans, on y a toujours affirmé qu’on était le seul pays qui élaborait sa stratégie de l’emploi avec les partenaires sociaux. Mais d’autres pays le faisaient aussi. Nous, on l’a peut-être simplement fait de manière plus coordonnée dans le sens où nous possédons une tripartite ou encore des organes tripartites. Mais les autres pays consultent bien sûr aussi leurs partenaires sociaux. Donc c’est finalement difficile de parler d’un modèle luxembourgeois en tant que tel. Je dirais qu’il existe une mentalité luxembourgeoise dans le sens où nous avons beaucoup plus le réflexe de recourir dans les discussions à des modèles tripartites que peut-être dans d’autres pays. C’est devenu, je pense, un élément de la culture luxembourgeoise du dialogue plutôt qu’un modèle luxembourgeois qui serait si différent des autres.

Le Quotidien: Quels en sont les avantages?

François Biltgen: Le véritable avantage, c’est la paix sociale. Si on revient sur 2006, les décisions qu’on a prises pour essayer de favoriser la compétitivité économique ou pour conformer le budget de l’État au traité de Maastricht. On aurait aussi bien pu les prendre sans tripartite. Mais ça aurait amené une polémique beaucoup plus véhémente dans la population. Si l’on parle de Luxembourg comme d’une place économique avantageuse, c’est là l’une des raisons, l’un des plus grands avantages, même s’il est aujourd’hui moins grand qu’auparavant parce que dans les autres pays, il y a aussi moins de grève, moins de conflits sociaux. C’est parfois compliqué d’expliquer aux étrangers pourquoi on se met autour d’une table avec les syndicats, notamment aux Américains. Mais c’est un modèle qui fonctionne dans le sens où quand on fait quelque chose, on le fait d’après un consensus. 

Source: Le Quotidien, 17 octobre 2008, Olivier Landini