Réflexions scolaires

La chronique d’Erna Hennicot-Schoepges au Jeudi. L’obligation scolaire et l’école publique sont de ces révolutions dont on se souvient à peine, tellement elles font partie des tâches nobles de l’Etat moderne. Depuis pas même deux siècles la chance d’avoir un accès illimité au savoir est devenue un droit acquis pour tous les enfants et encore plus pour leurs parents – qui attendent parfois avec impatience le jour de la rentrée scolaire après les grandes vacances.

Le débat politique autour du contenu de l’enseignement, voire de l’instruction, a changé avec le vocabulaire et le terme d’éducation nationale utilisé pour désigner l’action étatique. Il ne suffirait donc pas de communiquer des connaissances mais encore de «développer les facultés morales, physiques et intellectuelles», d’après le dictionnaire.’ L’école publique arrive-t-eïie encore à s’acquitter de cette tâche, est-ce même réaliste de vouloir réaliser l’idéal de «l’école publique égale pour tous» alors que les données de base diffèrent? 

Tant le contenu que la façon d’enseigner, ou même d’éduquer sont sujet à l’analyse critique des parents, des entreprises, de l’opinion publique. 

Rien n’est plus difficile à réformer que l’école car la finalité n’est pas perçue par tous de la même façon. 

De nombreux problèmes de société sont cependant imputés à l’école, à son fonctionnement et aux enseignants, souvent injustement, mais parfois aussi avec raison. 

Pas de prix 

Mis à part sa mission d’éducation, l’école est encore l’endroit privilégié pour l’intégration, le lieu par excellence pour apprendre à vivre ensemble. 

Quadrature du cercle pour un service public qui n’a pas de prix, mais un coût. 

Pas étonnant que les économistes se penchent sur une analyse de qualité – prix entre des modèles non comparables, et depuis que le vocabulaire européen a forgé le mot de l’employabilité la question se pose de savoir si l’école publique ne s’est pas quelque peu éloignée de sa mission d’éducation, telle que définie plus haut. A voir si les Etats membres responsables se laissent faire ou si les meilleurs résultats ne devront pas être jugés au long terme, c’est-à-dire à la capacité de développer le petit être confié au service public dans la plénitude de ses talents. 

Suffira-t-il à produire les super spécialistes, à départager les enseignements pour avoir en fin de compte plus de «diplômés» avec un savoir ciblé plus étroitement sur un nombre limité de professions, ou ne faudra-t-il pas former des hommes et des femmes capables d’utiliser tous leurs talents, avec l’esprit de mobilité et de flexibilité tant prôné dans un monde globalisé? 

Et ce n’est pas un débat qui s’appliquerait seulement à la période de la formation professionnelle! De plus en plus tôt se décide le comportement de l’élève, qui vacille entre adaptation, soumission, esprit vivace ou critique. 

Bien que l’Union européenne n’ait pas de compétences en ce qui concerne l’éducation (et heureusement) la profession d’enseignant fait l’objet d’un large débat. Le constat que c’est le métier qui est le moins mobile n’étonne pas, les différents systèmes appelant à une double flexibilité, tant professionnelle que géographique. Quant à la qualité, à quelle aune se mesurerait-elle? 

Le nombre d’élèves diplômés dépendra d’impondérables qui ne se laissent pas chiffrer, tandis que la capacité de cohésion d’une société n’est pas perçue comme valeur monnayable… 

Sûr et certain cependant, le système le plus coûteux n’est pas toujours le meilleur. Mais c’est là un autre débat.

Source: Le Jeudi, 18 septembre 2008, Erna Hennicot-Schoepges, Députée Européenne