“La présidence luxembourgeoise veut des actions concrètes”

Le Ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf, au sujet de la présidence luxembourgeoise du sommet de la Grande Région que la Luxembourg a repris le 1er février 2008

Grande Région: Le Grand-Duché de Luxembourg a repris le 1er février 2008 la présidence du Sommet de la Grande Région. Comment évaluez-vous cette coopération transfrontalière, quels sont ses principales forces et ses plus grands déficits? 

Jean-Marie Halsdorf: La coopération transfrontalière trouve ses origines au début des années 1970 suite au déclin de l’industrie sidérurgique. A l’époque, on parlait de SaarLorLux puisqu’elle ne regroupait que la Sarre, la Lorraine et le Luxembourg et il s’agissait d’une coopération essentiellement tournée vers l’économie.

Nous sommes aujourd’hui en 2008 et le Luxembourg reprend la présidence du onzième Sommet de la Grande Région. Depuis le premier Sommet en 1995, dont l’initiative a émané de notre premier ministre, un chemin considérable a été parcouru. Beaucoup a été atteint tout au long de ces treize années, de nombreux succès ont été engrangés même si parfois le chemin parcouru, les processus enclenchés ont été longs voire difficiles. Mais ce fut toujours enthousiasmant et l’atmosphère a toujours été enthousiaste.

La Grande Région regroupe maintenant, outre les trois partenaires initiaux, également la Rhénanie-Palatinat et nos amis de la Région wallonne avec les Communautés française et germanophone de Belgique. Le simple fait que onze partenaires issus de quatre pays parlant trois langues différentes avec diverse cultures et mentalités de travail aient su développer et enraciner cette coopération dans le paysage politique, économique, social et culturel de la Grande Région doit être considéré comme une grande victoire de ce qui n’était, au départ en 1995, qu’une rencontre volontariste.

Je considère le développement de ces treize dernières années comme étant encourageant pour l’avenir. Ceci pour plusieurs raisons. D’abord, nous avons maintenant une coopération qui touche tous les domaines d’intérêt commun et qui sont traités dans 21 groupes de travail. Aussi, nous avons une architecture institutionnelle avec un Sommet des Chefs des Exécutifs et – fait unique en Europe – un Comité économique et social de la Grande Région qui est l’organe consultatif à vocation socio-économique du Sommet. Les parlementaires des différentes entités de la Grande Région sont également impliqués dans la construction de cet espace par le biais du Conseil Parlementaire Interrégional.

Une autre force de la coopération se situe du côté de la société civile où il existe également bon nombre de regroupements d’institutions qui font un travail remarquable. Pour n’en citer que quelques-uns: les Chambres des Métiers, les Chambres de Commerce, les syndicats, les grandes villes avec Quattropole ou de moindre envergure telles que celles regroupées dans LELA +.

En somme, la volonté et l’engagement de tous les responsables politiques de la Grande Région ainsi que de la société civile, du patronat, des syndicats, et j’en passe, à vouloir faire de la Grande Région la coopération transfrontalière de référence en Europe sont assurément les plus grandes forces de notre coopération.

Bien évidemment, nous avons aussi des déficits à combler, des faiblesses à surmonter. J’en vois particulièrement deux : la première est que notre coopération ne dispose pas d’un budget commun.

Souvent, nous devons recourir au financement communautaire afin de pouvoir mettre en œuvre un projet commun. Ces fonds communs proviennent bien sûr du programme communautaire Interreg. C’est un handicap. Mais je dois néanmoins rappeler que la Grande Région a enregistré il y a quelques mois une avancée majeure, précisément auprès de l’Union européenne, en ayant réussi à mettre en place un programme conjoint Interreg IV A s’inscrivant dans l’objectif de coopération territoriale européenne 2007-2013.

Ce nouveau programme Grande Région, dont le secrétariat technique se trouve dans la Maison de la Grande Région, vise à renforcer la coopération transfrontalière par la réalisation de projets locaux et régionaux, et j’insiste concrets, entre opérateurs issus des territoires qui composent la Grande Région. Et pour rappel, il est doté pour la période de 2007-2013 d’un montant de 106 millions d’Euros.

Un second défaut concerne le suivi des travaux et des projets décidés, engagés ou envisagés par le Sommet. Il nous manque un véritable secrétariat permanent au service de la Grande Région, c’est-à-dire du Sommet et de 21 groupes de travail. Il est vrai que la Maison de Grande Région assure avec satisfaction une partie de ces missions, mais il lui manque encore des moyens supplémentaires. Je reste profondément convaincu que la Maison de la Grande Région a encore un bel avenir devant elle et le Luxembourg fera en sorte qu’elle devienne encore davantage la cheville ouvrière de la coopération.

En somme, la Grande Région dispose d’atouts qui ne sont pas négligeables pour l’asseoir en Europe en tant que modèle de coopération transfrontalière. La Grande Région est une grande aventure, une aventure qui se fait à petits pas, mais ce sont des pas fermes et solides.
 
Plan ambitieux

Grande Région: Quel est le programme de travail de la présidence luxembourgeoise que vous avez présenté lors du 10e Sommet à Namur?

Jean-Marie Halsdorf: Le programme de travail de la présidence luxembourgeoise a été approuvé par le Conseil de Gouvernement le 25 janvier 2008 et présenté à l’ensemble des entités partenaires lors du 10e Sommet tenu à Namur le 1er février 2008. C’est d’ailleurs avec satisfaction que j’ai pu constater que nos amis partenaires ont accueilli très favorablement notre programme. Celui-ci est ambitieux, mais il répond, d’une part, à la nécessité d’une Grande Région avec un rayonnement et un positionnement de première qualité en Europe et, d’autre part, aux attentes de nos concitoyens.

Nos concitoyens ont besoin d’une Grande Région solidaire, sociale, compétitive, forte chez elle mais aussi d’une Grande Région forte en Europe.

Nous sommes tous conscients des défis auxquels est confrontée la Grande Région dans tous les domaines et ces défis renvoient tous sans exception à son positionnement et à son rayonnement en Europe. C’est précisément pour répondre à ces enjeux majeurs que le Luxembourg a établi un programme de travail que d’aucuns considèrent déjà maintenant comme très ambitieux.

C’est en considération de ces défis et des attentes légitimes de nos concitoyens que nous avons élaboré un programme articulé autour de trois volets comprenant chacun deux axes prioritaires. Le volet I concerne l’espace avec le développement territorial et la planification territoriale, le second porte sur le développement tant économique qu’universitaire et finalement, le dernier s’adresse aux citoyens avec le développement d’un sentiment d’appartenance et d’un cadre de vie harmonieux

Le premier volet est indéniablement notre cheval de bataille, c’est notre thème central tandis que le développement du sentiment d’appartenance est note deuxième grande priorité.

Grande-Région: Le développement et la planification territoriale est donc le thème central de la présidence luxembourgeoise. Pourquoi le Luxembourg a-t-il choisi cette thématique et comment voyez-vous la mise en œuvre des mesures prévues en la matière ?

Jean-Marie Halsdorf: La Grande Région est géographiquement enclavée par des anciens massifs montagneux ce qui la met en partie à l’écart des axes principaux des pôles de développement économiques européens. Afin de contrebalancer sa situation géographique et pour qu’elle puisse devenir un espace de développement à plus haute valeur socio-économique afin de rivaliser avec les grandes aires métropolitaines européennes, il importe de mieux agencer la coopération en matière de développement et de planification territoriale.

L’ensemble des mesures visées dans le volet "Espace" s’inscrit dans le cadre des développements récents tout à fait favorables au niveau de l’Union européenne en matière de développement territorial. En effet, dans le nouveau traité de Lisbonne, la cohésion territoriale figurera à côté de la cohésion sociale et économique en tant que vecteur pour promouvoir la paix, les valeurs et le bien-être des citoyens européens. Il en va de même avec la Charte de Leipzig sur la ville européenne durable ainsi que de l’Agenda territorial de l’Union européenne. Nous entamerons ainsi la discussion avec nos partenaires sur la faisabilité de la transposition au niveau de la Grande Région des stratégies énoncées par l’Agenda territorial ainsi que par la Charte de Leipzig.

En résumé, la présidence engagera des réflexions et des discussions afin de dégager, à court terme, une démarche cohérente et intégrative en matière de développement territorial et de planification territoriale tant de l’espace urbain que de l’espace rural, action qui pourra s’appuyer sur les réseaux urbains existants des grandes villes de notre espace et sur le réseau en émergence des parcs naturels.

A plus long terme, l’objectif est la mise en place progressive et structurée d’une métropole polycentrique transfrontalière capable de se mesurer avec les grandes métropoles nationales.

Afin de supporter ces priorités, je souhaite mettre en place, une stratégie de planification territoriale concernant notamment les infrastructures de transports ainsi que deux domaines qui n’ont pas encore été traités de façon approfondie à savoir les zones d’activités économiques transfrontalières et le logement.

Pour mener à bien ces projets, j’ai décidé de mettre en place un comité d’accompagnement transfrontalier. Mais nous pourrons en parler plus en profondeur au mois de mai après la première réunion de ce comité.

Mettre en oeuvre des projets concrets communs

Grande Région: Un autre thème au centre des préoccupations de la présidence luxembourgeoise concernera sans aucun doute les citoyens et la volonté de développer leur sentiment d’appartenance à l’espace de coopération. Quelles sont les mesures que le Luxembourg envisage de mettre en place ? Quels projets seront développés sous présidence luxembourgeoise ?

Jean-Marie Halsdorf: En effet, si nous souhaitons que la Grande Région soit présente dans l’esprit de l’ensemble des citoyens de la Grande Région – toutes classes sociales et tous âges confondus et notamment auprès des jeunes -, il faut mettre en œuvre des projets communs concrets qui favorisent précisément le développement d’un sentiment d’appartenance. Et quand je parle des citoyens, je pense bien évidemment à Monsieur tout le monde, mais aussi aux politiciens, aux fonctionnaires, aux journalistes, aux chercheurs, aux étudiants…

Il est nécessaire que la société civile considère la Grande Région non seulement comme un espace de coopération économique et politique mais aussi en tant qu’espace de coopération dans trois domaines précis : ceux de la culture, du tourisme et des loisirs.

Dans le domaine de la culture, il est nécessaire de tirer profit des synergies positives qui se sont mises en place au sein de la Grande Région dans le cadre de "Luxembourg et Grande Région, capitale européenne de la culture en 2007". L’ensemble des Chefs des Exécutifs a approuvé à Namur la création d’une structure pérenne légère afin d’assurer la continuité et la pérennisation du réseau des acteurs culturels mis en place pendant l’année culturelle. La réalisation de cette décision constitue une de nos priorités majeures.

En ce qui concerne le tourisme, la présidence analysera la faisabilité de la création d’un circuit touristique du patrimoine mondial de l’UNESCO dans la Grande Région ainsi que la faisabilité de la création d’un "Mois du Patrimoine" transfrontalier.

Finalement, dans le domaine des sports, nous organiserons la 3e coupe de football pour jeunes, probablement à la fin du mois d’août 2008, et nous mettrons en place un groupe de travail pour analyser la faisabilité d’organiser un mois sportif pour jeunes ainsi qu’une course cycliste pour jeunes dans la Grande Région.

Grande Région: Le programme de travail est ambitieux et la présidence ne dure que dix-huit mois. Quelles sont vos attentes et quels résultats concrets espérez-vous pouvoir présenter lors du 11e Sommet de la Grande Région?

Jean-Marie Halsdorf: En fait, la présidence devrait en principe durer 18 mois mais comme en juin 2009 nous avons des élections législatives au Luxembourg, elle sera un peu plus courte. Mais ceci n’empêche pas que je suis convaincu qu’avec le soutien de l’ensemble des entités partenaires, le Luxembourg saura mener à bout l’ensemble des projets envisagés. La volonté est là et il s’agit de conjuguer nos forces et de faire en sorte que la Grande Région devienne une véritable référence en Europe et ce, dans le seul et unique but d’assurer le bien-être de nos citoyens.

J’ai bien sûr des attentes en ce qui concerne notre présidence et des projets qui me tiennent à cœur.

Bien évidemment la réalisation des projets dans le volet Espace revêt une importance toute particulière pour moi. Mais aussi tout ce qui touche au développement du tissu universitaire et du monde de la recherche sans oublier la mise en œuvre de projets concrets à l’adresse des citoyens pour qu’ils se sentent de véritables citoyens de la Grande Région m’est également très chers.

Je peux cependant vous affirmer que c’est avec plaisir que le Luxembourg reprend le flambeau de la présidence de la Grande Région. Et je vous assure qu’il s’engage dans cette aventure avec la ferme volonté d’asseoir davantage la Grande Région en tant que modèle de coopération transfrontalière au sein de notre continent. Pour atteindre cet objectif, Il nous faut des actions concrètes et je suis un politicien qui a toujours agi en ce sens : seules des actions concrètes peuvent faire avancer la Grande Région. 

Source: www.granderegion.net, 28 février 2008 // www.gouvernement.lu