Link : QP 919 concernant la création d’emploi au Luxembourg
Dans leur question parlementaire dont le sujet rejoint celui de la question du Député John Castegnaro, les députés Ali Kaes, Marcel Oberweis et Marc Spautz auraient aimé savoir « quelle est la part des emplois fictifs respectivement des emplois réels mais transférés et non créés, en d’autres termes quel est le nombre exact d’emplois réellement créés au Luxembourg sur base annuelle en comparant le premier semestre 2005 par rapport à la même période de l’année précédente ?».
Dans leur question sur le même sujet en date du 20 octobre 2005, les députés avaient déjà formulé une question similaire à laquelle le Ministre de l’Economie et du Commerce a répondu. Le Ministre a précisé dans sa réponse complémentaire « qu’une étroite collaboration entre le STATEC et l’IGSS ainsi qu’un aff1nement de l’analyse des fichiers de l’IGSS et du STATEC devraient permettre à l’avenir de mieux cerner la problématique de la création d’emplois ».
Les députés tirent la conclusion de cette réponse « que l’IGSS respectivement le Centre d’affiliation de la sécurité sociale ont développé ces dernières années des outils et méthodologies statistiques adéquates permettant notamment de déterminer le nombre de salariés en détachement voire de préciser si le nouveau poste créé est un poste à temps plein ou à temps partiel. En d’autres termes, l’IGSS dispose d’ores et déjà d’une banque de données concernant le nombre et la nature des emplois créés au Luxembourg ces dernières années. »
Il est vrai que l’IGSS établit ses statistiques à partir des fichiers de la sécurité sociale. Ces fichiers se basent sur les déclarations d’entrée et de sortie de l’affiliation faites par les employeurs pour leurs salariés ainsi que sur la collecte des salaires faite par le CASS en vue du calcul des cotisations dues à la sécurité sociale. Depuis 2002, ces données sont regroupées dans un Datawarehouse facilitant l’élaboration de statistiques. Malheureusement ces informations ont leurs limites, d’ailleurs bien énoncées dans la réponse du STATEC. Dans ce contexte, il s’impose de rappeler quelques remarques méthodologiques publiées dans le rapport au Comité de coordination tripartite du 19 mars 2003 concernant les emplois « virtuels »:
• Les fichiers de l’affiliation à la sécurité sociale ne recensent pas les postes de travail, mais les contrats de travail.
• Dans les statistiques de l’IGSS, chaque personne n’est comptée qu’une seule fois, même si elle a des contrats auprès de plusieurs employeurs.
• Lorsqu’une entreprise a plusieurs activités économiques, elle est classée dans les tableaux de l’IGSS sous la branche économique de son activité principale.
• Dans le cas d’un changement de l’activité principale d’une entreprise, celle-ci est reclassée dans les tableaux de l’IGSS sous la nouvelle branche économique. Cela peut amener à des fluctuations importantes de l’emploi recensé dans l’ancienne et la nouvelle branche économique.
Par ailleurs, l’affiliation à la sécurité sociale se fait au regard des règles du droit national et du droit communautaire. Les critères juridiques prévalent en l’occurrence sur les appréciations d’ordre économique.
Le phénomène de la délocalisation d’entreprises vers le Luxembourg n’est pas détectable à l’aide de simples statistiques. Pour le moment l’IGSS ne dispose d’aucun outil pour vérifier la constatation des députés que « tout établissement de société au Luxembourg ne s’accompagnait pas nécessairement d’une création nette d’emplois profitant aux salariés résidents et frontaliers… »
La réponse de Monsieur le Ministre de l’Economie a également déjà attiré l’attention des députés sur l’impossibilité de chiffrer les affiliations fictives voire frauduleuses à la sécurité sociale.
L’analyse de la situation sur le marché du travail à partir des fichiers de la sécurité sociale est difficile. Sur le marché de travail il y a tellement de fluctuations (24 654 déclarations d’entrée et 22 650 déclarations de sortie au seul mois de novembre) qu’il est imprudent de tirer des conclusions du chiffre du solde d’emplois résultant de la juxtaposition de deux photos à des dates prédéfinies en appelant le résultat de ce calcul les emplois créés au Luxembourg pendant une période donnée. Même la subdivision des statistiques en occupations à temps plein respectivement à mi-temps est assez délicate. Bien qu’il existe deux variables dans les fichiers de la sécurité concernant le temps de travail, ces informations sont à prendre avec prudence, alors que des réponses incorrectes de la part des employeurs n’entraînent aucune sanction.
En résumé on peut affirmer que pour le moment par le biais des fichiers à sa disposition, l’IGSS n’a aucun moyen pour détecter un emploi nouvellement créé à la base et certainement pas d’outil pour identifier un emplois « fictif », un emploi transféré ou bien un emploi réellement créé, si par «nouvellement créé» on entend un emploi avec une nouvelle tâche n’existant pas encore au sein de l’entreprise à l’observation précédente.
Pour répondre à la question concernant la création d’emplois au Luxembourg, il faudra passer par trois étapes:
1. chercher un accord entre tous les acteurs concernant les défmitions à utiliser en matière d’emploi (p.ex. définition de l’emploi fictif, de la création réelle d’emplois) en tenant compte des contraintes en matière de droit du travail et de sécurité sociale et s’assurer des possibilités d’application de ces définitions;
2. améliorer la fiabilité des informations de la sécurité sociale utilisées pour établir des statistiques. Il est vrai que maintes données font partie intégrante des déclarations des employeurs: les heures de travail par moisi semaine, le motif de cessation d’un contrat de travail, le type du contrat de travail (à partir du 1er mai 2005) pour n’en citer que quelques unes. Mais le Centre commun de la sécurité sociale n’a ni les moyens juridiques, ni le personnel pour veiller au remplissage correct des éléments collectés à des fins purement statistiques. Il en résulte que la qualité des données en souffre;
3. en supposant qu’un consensus concernant les définitions à utiliser soit trouvé et que les efforts concernant une amélioration de la qualité des données aient porté fruit, le marché de travail devra être analysé sous un nouvel angle. On devra passer de la juxtaposition de deux photos statiques de l’emploi à l’analyse des flux sur le marché de travail. Les mouvements des employeurs (changement de la dénomination, de la personnalité juridique, de l’activité principale des entreprises, faillite, transfert du lieu de production etc.) et des salariés (réduction du temps de travail, interruptions pour cause familiale ou autre et cessation de travail) doivent être suivis pour discerner la« création réelle d’emplois au Luxembourg ».
Alors que l’analyse de la situation du marché de l’emploi ne constitue pas l’attribution primaire de l’IGSS, l’approche décrite nécessiterait une coopération renforcée avec le Ministère du Travail et de l’Emploi, l’Administration de l’emploi et le STATEC, auxquels on associera avantageusement un institut de recherche. En ce qui concerne le volet « travail intérimaire », il existe des statistiques mensuelles qui pourront être affinées au besoin.
Zréck