Jean-Claude Juncker au sujet du Conseil européen des 22 et 23 mars 2005 à Bruxelles
Le Quotidien: Quel bilan pouvez-vous dresser de ce sommet?
Jean-Claude Juncker: Je suis satisfait des travaux et du résultat obtenu par la présidence luxembourgeoise. C’est le Conseil le plus bref auquel j’ai assisté et pourtant j’en ai déjà connu quelques-uns. Trois heures de débat, deux heures de dîner, nous avons travaillé vite et bien. Et tout le monde est reparti frustré de ne pas avoir joué les prolongations…
Nous avons entériné la réforme du Pacte de stabilité et la nouvelle stratégie de Lisbonne. Et, surtout, nous avons tiré au clair les nombreuses controverses sur la directive “marché des services“.
Le Quotidien: La fameuse directive Bolkestein verra donc son texte remanié. Pourquoi ne pas avoir décidé purement et simplement de la retirer pour en préparer une nouvelle version?
Jean-Claude Juncker: Si quelqu’un avait proposé de la retirer, je m’y serais opposé. L’intérêt national luxembourgeois est en effet qu’il y ait une telle directive services. Comme d’autres pays, nous en avons besoin pour développer ce secteur capital de l’économie européenne. Mais pas au prix d’une régression du droit du travail. Pendant deux heures, nous avons débattu des modifications substantielles à apporter au projet de directive de la Commission européenne. Jacques Chirac, le libéral belge Guy Verhofstadt, les socialistes, moi… nous étions tous d’accord. Il faut à l’Europe une telle directive, mais elle ne doit pas remettre en cause, ni tirer par le bas, le modèle social européen. Il faut cependant être attentif à ne pas faire de ce débat une nouvelle ligne de démarcation en Europe.
Le Quotidien: Quelle est finalement la grande leçon à tirer de ce sommet?
Jean-Claude Juncker: Je crois que le libéralisme sans borne et sans gêne a accusé pendant ces deux jours à Bruxelles une défaite cuisante. Nous avons enfin rétabli un certain bon sens qui veut que le modèle social européen puisse non seulement rester ce qu’il est, mais aussi se développer. L’économie ne peut pas se résumer à une affaire de compétitivité. La croissance doit être au bénéfice et au service de tous les citoyens européens. Nous sommes pour le maintien du modèle social européen, pour son progrès. Nous ne pouvons certainement pas être pour sa mise à disposition et son nivellement par le bas.
Le Quotidien du 24 mars 2005