« Nous n’accueillons pas les clients anonymes. » Déclaration du président de la fraction parlementaire Lucien Weiler Monsieur le président, la délégation luxembourgeoise tient tout d’abord à exprimer sa satisfaction devant le consensus qui semble pouvoir se faire autour du texte de la déclaration finale de cette Conférence. En effet, après l’émoi causé récemment par la teneur du rapport de la mission d’information commune sur la criminalité financière de l’Assemblée nationale, ainsi que par le ton de celui-ci, il me semble important au plus haut degré d’affirmer et de confirmer la volonté du Parlement luxembourgeois, de ces groupes parlementaires et de ses membres, de venir à bout de la criminalité financière européenne et internationale.
Ce n’est ni le Luxembourg, ni son parlement, qui bloquerait des actions communes visant la maîtrise du fléau que constitue la criminalité financière. Mais ne nous méprenons pas sur l’adversaire, et ne nous méprenons pas sur l’objet de la lutte. Je reviendrai tout à l’heure à cette mise en garde.
Il peut être légitime, et la Chambre des Députés l’a laissé entendre dans une lettre adressée au président de l’Assemblée nationale, de s’interroger sur le mandat, respectivement les compétences décisionnelles de cette Conférence des Parlements. Je veux dire par là qu’une telle conférence, réunie à l’invitation d’un parlement national, en l’occurrence l’Assemblée nationale française, n’est probablement pas le forum dont les conclusions seront couronnées de trop d’effet ou d’impact sur la réalité des grandes transactions financières douteuses. Je souhaite également formuler le souhait de la Chambre des Députés de voir à l’avenir de telles initiatives encadrées par un acte d’endossement communautaire, respectivement émanant d’une organisation européenne à composante parlementaire significative, comme par exemple le Conseil de l’Europe. Une telle approche conférerait sans aucun doute une signification plus contraignante à nos efforts.
La Chambre des Députés, au-delà de ces considérations de principe et d’organisation, salue une implication parlementaire plus marquée dans le combat de la criminalité financière. C’est pourquoi notre délégation se prononce également en faveur du texte de notre déclaration finale. Contrairement à ce que des députés français ont laissé entendre récemment, le parlement luxembourgeois est pleinement conscient des défis en la matière – tout comme le gouvernement de notre pays, par ailleurs. J’oserai affirmer dans ce contexte que le cordon sanitaire légal, comme nous l’appelons, qui a été mis en place par le législateur luxembourgeois autour des activités de la place financière de notre capitale – et qui est, soit dit en passant, l’un des plus imperméables qui soient – a déjà fait ses preuves. Ce n’est probablement pas un hasard qu’aucun compte lié à une activité terroriste n’a pu être découvert au Luxembourg dans le cadre des recherches sur les réseaux financiers terroristes après le 11 septembre 2001.
Le Luxembourg est acquis, depuis longtemps, au combat de la criminalité financière, au refus de l’argent sale, et à l’endiguement des flux financiers d’origine douteuse.
Nous n’accueillons pas l’argent anonyme. Nous n’accueillons pas les clients anonymes. Et les autorités politiques et de régulation exigent de la place financière le respect strict d’une déontologie bancaire et financière à caractère exigeant.
Je ne m’étendrai pas très longtemps sur la coopération luxembourgeoise à cette démarche commune, que nous considérons par ailleurs comme une évidence, et comme une nécessité. Mais je voudrais m’attarder encore, le temps de formuler quelques réflexions au-delà de l’objet actuel de notre réunion, sur une perspective nouvelle de la coopération parlementaire, une perspective qui pourrait nous rapprocher des racines du mal auquel nous vouons ici et maintenant notre inimitié.
Les parlements européens devraient à l’avenir, telle est la conviction de la Chambre des Députés, s’impliquer avec davantage de détermination dans la surveillance et le contrôle des transactions qui génèrent les flux d’argent sale. J’entends par là le marché de la drogue bien sûr, la pornographie pédophile aussi, mais avant tout le commerce des armes. Quand j’ai dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas que nous nous méprenions sur le véritable objet de notre lutte, je voulais effectivement attirer votre attention sur les opérations qui se trouvent à l’origine du phénomène qui nous préoccupe dans la déclaration que nous adopterons aujourd’hui. L’argent sale n’est pas un produit du hasard, et la criminalité financière n’est souvent qu’un produit accessoire à une criminalité de base. Et cette criminalité, très souvent, trop souvent, est liée au commerce et au trafic des armements.
Nous avons fait, et nous continuons de faire, de gros efforts dans la lutte contre la criminalité financière. Mais ce faisant, nous ne combattons en fait qu’un symptôme de la véritable maladie.
Je souhaiterais que les parlements européens, ceux dont les représentants sont venus aujourd’hui à Paris, donnent une nouvelle impulsion au combat du trafic des armements. Considérant le volume et l’ampleur de la circulation de toutes espèces d’armes à travers ce continent et vers des destinations souvent peu édifiantes, le défi est de taille. Mais j’estime, et la Chambre des Députés avec moi, que la continuation et l’accentuation de notre lutte commune contre la circulation de l’argent sale et contre les échappatoires qui le rendent propre ne peut que devenir plus conséquente et générer des résultats plus satisfaisants si nous étendons le combat aux causes de ce phénomène.
Cela étant dit, la délégation luxembourgeoise marque son accord avec le projet de déclaration finale tel qu’il nous a été soumis.