Un «lobbyiste» pour le nord du pays

Fils d’agriculteurs, Emile Eicher parle avec passion de sa région. Il est l’un des nouveaux membres de la fraction chrétienne-sociale à la Chambre des députés.

Liliana Miranda, Le Quotidien

Économiste de formation, Emile Eicher s’intéresse notamment au tourisme et à l’agriculture. Il cumulera sa fonction d’élu national avec celle de bourgmestre de Munshausen. 

Comme tant d’autres élus, Emile Eicher est issu d’une famille que l’on pourrait qualifier de politique. Son père était premier échevin à Munshausen avant que le fils ne reprenne le flambeau et réussisse même à se faire élire à la tête de cette petite commune. 

Une famille politique, donc, mais aussi une jeunesse marquée par l’après-Mai 68. À l’internat de Diekirch, qu’il a fréquenté pendant quatre ans, Emile Eicher a notamment fait la connaissance d’un père jésuite qui s’était donné pour objectif de «faire réfléchir» les jeunes. «Cet homme m’a beaucoup impressionné», raconte le tout nouveau député. 

C’est finalement à Luxembourg au lycée des garçons qu’il passe le bac avant de suivre des études supérieures à Fribourg. Passionné par le tourisme, il envisagera même d’en faire son métier. Le destin en voudra autrement, puisqu’il est licencié en économie et sociologie. «Dans le cadre de mon mémoire, j’ai analysé d’une manière critique les nouvelles formes de travail», précise-t-il. 

«Le secteur du tourisme connaît la crise» 

De retour au Grand-Duché, et un diplôme en poche, le jeune homme se met à la recherche d’un emploi. Son bonheur, il le trouve à l’Office luxembourgeois pour l’accroissement de la productivité. Au cours de ces dernières années, il a travaillé pour la Chambre de l’agriculture, l’autre thème qui lui tient tout particulièrement à cœur, lui qui est fils de paysans. Il avoue d’ailleurs avoir du mal à s’habituer à sa nouvelle vie de député, au point de retourner régulièrement à son bureau alors que rien ne l’y oblige. Grâce à cette nouvelle fonction, il espère faire avancer les choses dans sa région à lui, le Nord. Le secteur du tourisme, dit-il, connaît la crise.»Sa solution? Créer des offices régionaux, tout en veillant à intégrer l’ensemble des acteurs dans ce projet (bénévoles, professionnels, communes). Ces structures seraient alors «complémentaires» à l’Office national du tourisme. 

Emile Eicher souhaite aussi que l’on mise davantage sur la formation des guides touristiques et des animateurs. Emile Eicher est lui-même président du parc naturel de l’Our ainsi que président du Syndicat intercommunal pour la promotion du canton de Clervaux. Deux fonctions qui le poussent à dire que l’on a tendance à oublier la beauté et le potentiel de l’Oesling, à force d’être habitué au paysage. Les touristes, eux, auraient encore la capacité de se montrer étonnés (et séduits) par la richesse qu’offre le nord du Grand-Duché. 

Bien qu’idyllique sous certains aspects, le milieu rural ne présente pas que des avantages. Loin de là. Emile Eicher regrette par exemple que les adolescents soient forcés de fréquenter des établissements scolaires qui ne se trouvent pas toujours à proximité de leur domicile. «D’où l’importance du futur lycée de Clervaux», note-t-il. De par sa nature, une telle structure créerait accessoirement aussi des postes d’emploi. On l’aura compris, Emile Eicher se positionne en tant que «lobbyiste» du Nord. Au-delà de cette priorité qui est la sienne, Emile Eicher partage les valeurs défendues par son parti, le CSV. Car s’il souhaite, comme n’importe quel homme politique, «changer la société», il n’est pas question de prendre au dépourvu les principaux concernés. «Il faut faire de la politique avec les gens, et non pas contre les gens», conclut-il. 

L’art du compromis 

Emile Eicher fait partie de la plus grande fraction qui siège à la Chambre des députés. Avec ses 26 députés, la fraction chrétienne-sociale est toute proche de la majorité absolue. Réussir à mettre tout ce petit monde d’accord peut s’avérer compliqué. Quoi qu’il en soit, Emile Eicher n’a pas peur de «se fondre dans la masse». «Je ne vais pas me gêner», glisse-t-il, avant d’ajouter qu’il est bien évidemment prêt à accepter des compromis. 

Et des compromis, il faudra sans doute en faire. Ne serait-ce que parce que le tout nouveau député n’est pas habitué à avoir de l’opposition. Il est bourgmestre, c’est vrai, mais, dans sa commune, tous les membres du conseil communal sont des collègues. Comme quoi, le groupe politique qu’il a constitué autour de lui au niveau local jouit d’une grande popularité. Au niveau national, il essaiera, promet-il, de défendre les intérêts des gens du Nord. Et ce, au sein des différentes commissions parlementaires dont il fait désormais partie. Au sein de ces commissions, Emile Eicher sera en charge de dossiers aussi divers que l’éducation natio-nale, l’agriculture ou encore la famille. 

Député-maire 

Depuis cet été, donc, Emile Eicher est député-maire. L’élu l’avoue lui-même : le cumul des mandats reste un sujet sensible au sein du CSV. Lui-même est, par la force des choses, plutôt favorable à ce qu’un député puisse aussi assumer des responsabilités au niveau local. Le travail sur le terrain présente à son avis des avantages considérables. En tant que bourgmestre d’une petite commune, il est habitué à travailler directement avec les gens, à être à leur écoute. D’autant que, dans son cas précis, il ne peut pas se cacher derrière une administration. Les petits bobos de la vie quotidienne, il doit les résoudre lui-même. Le revers de la médaille, Emile Eicher le connaît aussi. «Si l’on prend au sérieux son travail à la Chambre des députés de manière parallèle, alors on a vraiment beaucoup à faire», dit-il. 

Cette année, Emile Eicher s’est présenté pour la toute première fois aux législatives en tant que candidat. Un pas qu’il a justement tardé à franchir pour réussir à concilier à la fois son emploi, son mandat de bourgmestre et sa vie de famille. Marié à une Australienne, le tout nouveau député est aussi père de trois enfants. 

Oui à la fusion 

Emile Eicher est à la tête d’une petite commune qui, administrativement parlant, disparaîtra dans quelques années. Munshausen va en effet fusionner avec Heinerscheid et Clervaux, et la nouvelle ville s’appellera tout simplement Clervaux, du nom de la plus grande des trois. La fusion se fera toutefois en douceur, puisque des mesures transitoires sont prévues jusqu’en 2023. À 54 ans, et surtout avec un nouveau mandat national, Emile Eicher est plus que jamais heureux de cette évolution. «J’ai toujours été un grand défenseur des fusions», souligne-t-il. Il faut savoir que Munshausen compte à peine un peu plus de 1 000 habitants sur quelque 25 km 2. Un chiffre particulièrement bas si l’on veut développer diverses structures et offrir une meilleure qualité de vie à la population. 

Les habitants des trois communes concernées ont d’ailleurs voté en faveur de cette fusion par le biais d’un référendum. Pour être précis, trois quarts d’entre eux ont, à l’époque, donné un avis favorable. Le gouvernement est lui aussi satisfait. Au point d’accorder des subventions substantielles aux autorités locales. Elles dépendront du nombre d’habitants dans les trois communes. 

Source: Le Quotidien, 2 septembre 2009, Liliana Miranda