Quel impact la crise va-t-elle avoir sur le budget de l’Etat? Eléments de réponse avec le rapporteur du projet de loi de finances 2009, le député chrétien-social Norbert Haupert. Le rapporteur du budget 2009 dans une interview au paperJam, octobre 2008
Interview par Frédérique Moser, publié le 24.10.2008
C’est un projet de budget «responsable» et reposant sur la «confiance», que le gouvernement a présenté début octobre à la Chambre des députés, alors que les Bourses du monde entier étaient en plein dévissage. Le texte est actuellement entre les mains des membres de la commission parlementaire des Finances et du Budget, qui attendent de nouvelles prévisions économiques pour analyser dans quelle mesure il sera possible de maintenir l’équilibre des comptes publics.
M. Haupert, les hypothèses économiques sur lesquelles a été construit le projet de budget 2009 sont-elles toujours pertinentes?
C’est difficile à dire. Le projet de budget a été bâti sur une croissance de 3% du PIB. Tout dépend de l’envergure qu’auront les événements actuels.
Vous vous refusez à employer le terme de ‘crise’?
Je crois qu’il vaut mieux ne pas dramatiser l’affaire, on risque d’augmenter encore les problèmes. C’est pourquoi je dis qu’avec les turbulences que l’on connaît, et surtout parce qu’une grande partie de la recette budgétaire dépend du secteur financier, on peut se poser la question de savoir si une croissance de 3% peut encore être réalisée en 2009.
Dans ce contexte, était-il judicieux de présenter le projet de budget si tôt? Doit-on s’attendre à une nouvelle mouture dans un mois?
Le directeur du Statec présentera les dernières données dans la deuxième quinzaine d’octobre à la commission parlementaire des Finances et du Budget. Nous verrons à ce moment-là. Si les chiffres ne sont pas favorables, il faudra se pencher sur le volet des recettes. Et qui dit volet des recettes, dit aussi celui des dépenses.
Ce qu’il faut toutefois souligner, c’est que ce budget a une forte composante anticyclique. Sont prévus des réductions d’impôts pour les classes moyennes, des crédits d’impôt pour les salariés les plus modestes, un taux d’investissement élevé, ceci pour renforcer le pouvoir d’achat des particuliers et soutenir la compétitivité des entreprises. Tout cela a pour objectif d’atténuer les effets de la crise financière.
Si vraiment nous ne pouvions atteindre le niveau de recettes prévu, nous avons une possibilité d’ajustement, en agissant au niveau des dépenses d’investissement. Il faut également noter que le solde de l’Administration publique est excédentaire. Le budget traditionnel de l’Etat demeure ainsi parfaitement en équilibre, et présente même un excédent de 13,2 millions d’euros (+ 1,1% du PIB, ndlr). Toutes les dépenses d’investissements courants sont couvertes à 80% par les excédents du budget courant, et les investissements supplémentaires sont couverts par les fonds d’investissement, c’est-à-dire les réserves créées au cours des dix dernières années.
Le problème est qu’il faut présenter un budget répondant aux critères de Maastricht, donc qui ne soit pas trop en déficit. Or, selon ces critères, les dépenses des fonds de réserve sont considérées comme des dépenses courantes de l’Etat. C’est un peu la perversité du système.
S’il fallait réduire les dépenses d’investissement, quels seraient les secteurs les plus touchés?
Ceux qui dépensent le plus, les fonds des routes et du rail. Mais il est évident que si on freine de ce côté-là, on risque de perturber fortement les objectifs nationaux en faveur du transport en commun, notamment au niveau ferroviaire.
Budget de la confiance
Le Premier ministre a annoncé qu’il s’agissait d’un budget de la ‘confiance’. Etes-vous d’accord avec lui? Sur quoi repose cette confiance?
La confiance repose d’abord sur une estimation prudente des recettes budgétaires. Il n’a pas été prévu d’augmentation des recettes provenant de l’imposition sur les sociétés – nous avions anticipé la crise et le fait que les banques allaient faire des provisions, diminuant ainsi leurs bénéfices.
Le poids de la confiance a été mis sur les allègements fiscaux, ce qui devrait engendrer une relance de la consommation pour les particuliers et la réalisation d’économies par les entreprises, qui pourraient dès lors procéder à de nouveaux investissements.
A quel moment les engagements financiers de l’Etat pour soutenir les banques auront-ils un impact sur les finances publiques?
L’objectif immédiat de ce soutien était de faire renaître la confiance des gens dans les banques, mais aussi de soutenir le système interbancaire.
Evidemment, les objectifs à long terme sont aussi de sauver les emplois sur le marché luxembourgeois et de préserver les épargnants. Quand cela aura-t-il un impact sur les finances publiques? Pas sur le budget de 2009 et sans doute pas sur celui de 2010. Ce qui est prévisible, c’est qu’une fois que les banques auront digéré les turbulences actuelles et qu’elles se seront stabilisées, elles ne réaliseront plus les mêmes bénéfices que les dernières années. Les effets de la crise actuelle devraient se faire sentir encore pendant plusieurs années.
Mais à quel moment les échéances de remboursement de la dette souscrite pour le plan de ‘sauvetage’ des banques seront-elles inscrites dans le budget de l’Etat?
M. Frieden (ministre du Budget, ndlr.) dit toujours qu’il ne s’agit pas d’une opération budgétaire, mais de trésorerie. L’Etat va souscrire un emprunt de 3 milliards d’euros et obtenir, dans une première phase, des obligations qui seront converties en actions, lorsque les banques auront décidé d’une augmentation de capital. Mais l’Etat n’a pas intérêt à devenir actionnaire à trop long terme. Il va certainement conserver une partie des actions — pour garder un oeil sur le fonctionnement de ces banques — mais au fur et à mesure que le marché va se calmer, il va les céder.
De toute façon, l’emprunt sera souscrit par l’Etat à un taux d’intérêt de 5%, et M. Frieden a annoncé que les obligations auraient un rendement de 10%. Cette opération ne comprend donc pas un risque qui ne serait pas calculé.
Ce budget prévoit une réduction de la pression fiscale, donc une diminution des recettes liées à l’impôt. Sur quelles ressources nouvelles l’Etat peut-il s’appuyer pour compenser cette baisse?
Les recettes n’auront effectivement pas la même croissance que les années précédentes, notamment en raison de la baisse de l’impôt sur les collectivités et l’abandon du droit d’apport (qui génère une perte sèche de 100 millions d’euros). Mais le grand effort du gouvernement réside dans la maîtrise des dépenses de fonctionnement de l’Etat.
Une politique budgétaire à la hauteur des besoins de notre pays
De quel type d’économies s’agit-il?
Elles seront réalisées sur tous les ministères. Il s’agit d’économies de fonctionnement, donc du point de vue des recrutements de l’Etat. Ne seront opérés que ceux qui ont été prévus depuis plusieurs années, dans les secteurs de l’enseignement, de la sécurité sociale, de la justice. Dans les autres secteurs, les engagements seront très limités, de façon à réduire progressivement la masse des fonctionnaires.
Quels aspects du projet de budget seront, selon vous, le plus sujets à débats à la Chambre?
Les discussions à la tribune porteront essentiellement sur les recettes, j’imagine. Vu la conjoncture économique, peut-on encore s’attendre au volume de recettes inscrit dans ce budget? D’ici là, nous aurons plus de précisions sur les paramètres économiques.
Le Luxembourg a toujours eu une croissance supérieure à celle de ses pays voisins, mais quand une économie repose aussi largement sur un secteur qui traverse une crise (et bien que les efforts de diversification commencent à porter leurs fruits, que les classes moyennes et l’industrie se portent toujours bien), il est clair que le fait que 90% des recettes fiscales proviennent de l’impôt sur les collectivités constitue un réel problème pour le budget luxembourgeois.
Quelles mesures particulières ont été prévues pour soutenir la compétitivité des entreprises?
Outre les mesures mentionnées précédemment, tous les crédits prévus dans les lois-cadres de l’industrie et des classes moyennes ont été maintenus à un niveau élevé. Par ailleurs, il est prévu une forte augmentation des crédits dans les domaines de l’éducation, de la recherche et développement ainsi que pour l’Université du Luxembourg. Ce sont des dépenses qui s’inscrivent dans une perspective à plus longue échéance.
Ce projet de budget, optimiste et à l’équilibre, est-il taillé sur mesure pour affronter l’échéance électorale de juin 2009?
Je ne dirais pas qu’il a été ‘taillé sur mesure’ pour se présenter devant les électeurs. Il a été taillé en vue de confronter les difficultés du moment, puisque le gouvernement est parvenu à avoir un budget en équilibre et qui inspire confiance. C’est une politique budgétaire à la hauteur des besoins de notre pays et des problèmes qui peuvent se poser.
Source: paperJam, octobre 2008, Frédérique Moser