La fin du rêve européen?

Temps de crise, financière, démocratique, crise de société qui se reflète dans le marasme des comportements: L’UE est-elle à un nouveau tournant de son histoire? La chronique d’Erna Hennicot-Schoepges au Jeudi

 La déception de tous ceux qui voulaient, avec l’élaboration d’un Traité constitutionnel, marquer le début d’un nouveau départ au XXIe siècle du projet d’union a été renforcée par le refus du texte modifié à Lisbonne et l’impossibilité de ratifier cet accord pour un meilleur fonctionnement des institutions. Qui croit encore en un projet que les citoyens eux-mêmes ont l’air d’abandonner? 

Certes, les eurosceptiques ne démordront pas de leur refus, encore que, si l’on pose la question de leurs alternatives, on n’aura pas de réponse valable. En scrutant les appréhensions exprimées par de nombreux citoyens, le fonctionnement des institutions, la lourdeur administrative, l’encombrement bureaucratique, l’excès de réglementation y sont pour beaucoup et à juste titre. Par ailleurs, les visions à long terme des pères fondateurs sont restées sur la sellette! 

Une politique commune de la défense et l’indépendance énergétique lancées dès la signature du Traité de Rome en 1953 ont connu l’échec. Un demi-siècle plus tard, on doit constater un piétinement sur place, des combats d’arrière-garde avec des blocages institutionnels, soit au Conseil des ministres, soit au PE. 

Court-circuitée

Et le manque de coordination entre les colégislateurs (PE, Conseil des ministres et Commission) devient apparent en cette fin de législature. Alors que le programme aurait été de taille avec le changement climatique. La volonté ferme de réduire les nuisances dues aux émissions de CO2 exprimée par les chefs d’Etat lors du sommet de mars 2007 est déjà court-circuitée par les ministres avant même que le PE n’ait terminé ses travaux. Interférence cachée de la présidence française, le retrait de l’ordre du jour du rapport Turmes sur les énergies renouvelables en serait un autre exemple. 

Le Parlement, jadis perçu comme consolidation démocratique des institutions européennes, serait-il à la merci des gouvernements et de la Commission européenne? Il est évident que les députés européens s’efforceront tant bien que mal de justifier leur présence, de faire leur travail sur le détail des textes qui leur sont soumis! Ils déploient une énergie effrénée à faire des rapports d’initiative (sans valeur juridique), déclarations écrites, questions et autres interventions, comme tout autre parlement démocratiquement élu. Jls ont réussi à débloquer certains dossiers épineux, comme la directive des services (Bolkestein) encore que les questions laissées en suspens .-.. comme les services de santé – feront l’objet de nouvelles réglementations. Ils auraient presque réussi à terminer leurs travaux sur de nouvelles perspectives environnementales pour permettre aux gouvernants de trancher ensuite… 

Il est vrai que ce PE a joué des muscles: refusé un commissaire, rectifié le budget, dont la compétence lui est accordée et symbolise son pouvoir réel. Sa visibilité pour le commun des mortels laisse cependant à désirer. Comme celle de beaucoup d’autres parlements, d’ailleurs… Et qui saura évaluer à leur juste mesure les travaux parlementaires, de tous les parlements d’ailleurs? 

Le plus grand succès de I’UE est l’euro. La monnaie unique, forte de sa stabilité, ne fait pas non plus l’unanimité auprès des citoyens. 

Certains sondages expriment même leur souhait de retourner au mark, à la lire, au franc. Proposition illusoire: ceux qui n’ont pas rejoint la zone euro n’ont pas échappé à l’inflation. Désillusion cependant au vu du comportement des institutions financières, trop orientées vers les marchés américains. 

Réflexe de la Commission européenne: la création d’une nouvelle instance de contrôle. Le rêve d’une Union efficace, d’institutions fiables, s’effrite au vu de cette prolifération d’agences et d’organismes pour résoudre les problèmes. 

Car le citoyen peut se questionner à juste titre sur le vrai partage du pouvoir, qui est aussi celui de la responsabilité. 

Source: Le Jeudi, 25. 9. 2008, Erna Hennicot-Schoepges