Cinq vérités sur le Processus de Bologne

Le Processus de Bologne a été lancé en 1999 à Bologne, la plus vieille université en Europe. A l’époque uniquement 29 pays y ont participé, dont le Luxembourg, sous l’égide de la ministre Erna Hennicot-Schoepges. Aujourd’hui, à peine dix ans plus tard, le Processus regroupe 46 Etats. La prochaine conférence ministérielle biannuelle aura comme mission, d’une part, de dresser le bilan après dix ans, alors qu’à l’époque il était destiné à prendre fin effectivement après dix ans, et d’autre part, d’esquisser une éventuelle poursuite du Processus. La conférence aura lieu, les 28 et 29 mai 2009 à Louvain/Leuven en Belgique, sous coprésidence à la fois de la présidence tchèque de l’Union européenne et du Benelux, organisateur de la conférence. Une tribune libre de François Biltgen, ministre de l’Enseignement supérieur et du Travail.

Le Luxembourg, qui coprésidait déjà en 2005, en tant que présidence de l’UE, la conférence ministérielle à Bergen (Norvège), sera donc une fois de plus associé de près à l’organisation de la conférence ministérielle.

Pourtant au Luxembourg, les tenants et aboutissants du Processus de Bologne sont largement ignorés. A peine commence-t-on à se familiariser avec les notions de Bachelor et de Master. Et encore ces notions sont-elles avant tout utilisées pour appuyer des revendications salariales dans la fonction publique.

Il est vrai que le Processus de Bologne a commencé en 1999 par la définition de ces deux notions. A l’époque il s’agissait tout d’abord de revenir à la mobilité des étudiants et des enseignants qu’on connaissait au Moyen Âge, en rendant les diplômes universitaires compatibles et transparents. 

La Déclaration initiale énonçait les objectifs suivants: adoption d’un système de diplômes aisément lisibles et comparables; adoption d’un système qui se fonde essentiellement sur deux cycles principaux; mise en place d’un système de crédits, comme celui du système ECTS; promotion de la mobilité en surmontant les obstacles à la libre circulation des étudiants, des enseignants, des chercheurs et des personnels administratifs; promotion de la coopération européenne en matière d’évaluation de la qualité; promotion de la nécessaire dimension européenne dans l’enseignement supérieur. 

Depuis lors, au fil des différentes conférences ministérielles, les objectifs du Processus se sont élargis et affinés. Aujourd’hui, le Processus a bien d’autres desseins que celui de définir les degrés universitaires. Il ne concerne pas seulement le monde universitaire, et non seulement le monde de l’éducation, mais encore le marché du travail voire même la société in globo. 

Renforcer la compétitivité du système européen par rapport au système américain

Pourtant, dès le départ, l’objectif des fondateurs fut global, même si les six premiers objectifs furent limités et circonscrits. Il s’agissait dans la détermination des fondateurs avant tout de renforcer la compétitivité du système européen par rapport au système américain.1

Le processus de Bologne est un processus de réformes européen visant à créer un Espace européen de l’enseignement supérieur d’ici 2010. Ce processus est inhabituel en ce sens qu’il est peu structuré et qu’il est dirigé par les 46 pays qui y participent en coopération avec un nombre d’organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe.

Ce qui est remarquable, c’est que le processus de Bologne ne repose pas sur un traité intergouvernemental. Plusieurs documents, souvent sous forme de communiqué, ont été adoptés par les ministres chargés de l’enseignement supérieur des pays participant au processus, mais ce ne sont pas des documents ayant force de loi (les traités internationaux le sont généralement). Il appartient donc à chaque pays et à sa communauté universitaire de décider en toute liberté d’approuver ou de rejeter les principes du Processus, bien qu’il ne faille pas sous-estimer la pression internationale exercée par les pairs. Pourtant, malgré l’absence de textes de loi contraignants, la pression est telle que tous les pays, les uns plus vite que les autres, font tout pour se conformer aux impératifs du Processus. Le processus est mis en Å“uvre à plusieurs niveaux – international, national et institutionnel.

Il n’est pas prévu que d’ici à 2010 tous les pays européens aient le même système d’enseignement supérieur. Au contraire, l’une des caractéristiques très appréciée de l’Europe est son équilibre entre la diversité et l’homogénéité. Le processus de Bologne tente plutôt de jeter des ponts pour faciliter la mobilité des personnes qui souhaitent passer d’un système éducatif à un autre ou d’un pays à un autre. Par conséquent, même si, par exemple, les systèmes de qualifications présentent de plus en plus de similitudes, il convient de préserver la spécificité de chaque système d’enseignement supérieur.

Il n’empêche que s’il en va de la compétitivité de l’Europe, les pays qui prendront au plus vite en considération toutes les données et implications du Processus, en tireront le plus d’avantages sur le marché du travail et dans l’économie. Force est de constater aussi que le Processus copie largement le modèle anglo-saxon, qui est certainement actuellement déterminant tant dans le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche que dans le monde économique. Ceci explique que bon nombre de pays «continentaux», comme la France et l’Allemagne éprouvent des problèmes substantiels pour réformer leur système universitaire, alors qu’un pays hautement compétitif comme la Suisse par exemple a presque anticipé toutes les adaptations. Bien sûr que les tergiversations allemande et française ont des effets au Luxembourg.

Or, ne pas prendre en compte au Luxembourg les implications du Processus de Bologne nuirait hautement à la fois à notre compétitivité économique et à la cohésion sociale. La présente contribution a dès lors comme objectif, d’asséner, peut-être de façon provocatrice, cinq vérités découlant du Processus de Bologne: 

Les ECTS: l’étudiant, et non l’enseignant, est désormais au coeur de l’université

– les ECTS: l’étudiant, et non l’enseignant, est désormais au coeur de l’université;

– les compétences transversales: la transmission du savoir-faire prime la transmission du savoir;

– la mobilité: du cloisonnement national à la transparence internationale;

– l’employabilité: l’enseignement initial cède son monopole à l’apprentissage tout au long de la vie;

– la dimension sociale: des élites universitaires à la banalisation de l’enseignement supérieur.

La partie la plus connue du Processus de Bologne est assurément celle qui a trait aux diplômes de Bachelor, de master et de docteur ainsi qu’à celle, sous-jacente des ECTS.

Les ECTS (European Credit Transfer System) sont les points qu’un étudiant doit «collecter» par son travail propre au cours de ses études pour accéder soit au Bachelor (180 à 240 ECTS), au Master (60 à 120 ECTS), au Docteur.

Initialement le Processus de Bologne ne comprenait que les deux diplômes de Bachelor et de Master. Ce n’est que par la suite que le Doctorat y a été ajouté.

En principe un étudiant est supposé collecter 60 ECTS au cours d’une année, ce qui fait qu’en règle générale un bachelor dure de trois à quatre ans, un master de une à deux années, alors qu’on compte en général trois ans pour faire un doctorat.

De ces deux principes dorénavant largement connus et acceptés découlent deux constats lourds de conséquences et notamment la fin de la classification des diplômes universitaires sur le mode de BAC+.

Nous avons pris l’attitude de mesurer la valeur d’un diplôme universitaire à la longueur des études. L’Etat requiert actuellement en général en vue l’accès à la carrière supérieure l’accomplissement «d’un cycle complet de quatre années d’études universitaires». Le «dogme» actuel au Luxembourg s’appelle donc BAC+4. Par ailleurs, une directive européenne (2005/36) prévoit une reconnaissance mutuelle des formations BAC+3. Or, avec le Processus de Bologne ce n’est plus la durée des études universitaires qui importe, mais le diplôme lui-même. Un Bachelor a la même valeur qu’il se déroule en trois ou quatre ans.

Par ailleurs, le Bachelor est bel est bien le premier diplôme universitaire, un diplôme de base. Les revendications d’aucuns que la formation de base pour l’accès à une carrière universitaire devrait être désormais un BAC+5, soit un Master, car on ne saurait «régresser», méconnaît ainsi un des principes de base du processus.

Le Master quant à lui ne sanctionne pas une formation de base, mais est à la fois une spécialisation et un premier pas vers la recherche. Voilà pourquoi, le gouvernement luxembourgeois a décidé que pour les carrières requérant à l’avenir, l’accomplissement d’un Master il faudra préciser davantage le contenu de ce Master (p.ex. il ne suffira pas de demander un Master «en Droit», mais il faudra déjà préciser sur quelle matière doit porter ce Master, ceci au vu des fonctions dévolues au fonctionnaire).

Deuxième constat: le rôle de l’étudiant gagne en importance. Le remplacement de la notion de BAC+ par celle de diplômes libellés en nombre d’ECTS comporte une autre composante fondamentale. Si l’ancienne notion se focusait sur le travail de l’enseignant, la nouvelle notion définit le travail de l’étudiant. Il ne s’agit plus au XXIe siècle de s’asseoir dans un amphithéâtre et de transcrire fidèlement à la main les cours professoraux, mais il s’agit plutôt de travailler sur ses propres compétences.

De toute façon, le rôle de l’étudiant se trouve renforcé par le Processus de Bologne. Ce n’est pas par hasard que le Processus rassemble également des représentants des étudiants et que l’assurance de qualité telle que prévue par le Processus prévoit impérativement une participation des étudiants.

La massification universitaire du XXe siècle voyait l’étudiant plutôt comme un consommateur de cours. Le Processus de Bologne le voit comme un acteur essentiel.

L’Université du Luxembourg est clairement en train de traduire dans la réalité cette nouvelle approche: tutorat obligatoire, service centralisé de services aux étudiants, maison des étudiants autogérée … 

Compétences transversales: La transmission du savoir-faire prime la transmission du savoir

Cette nouvelle approche a aussi come corollaire que l’Université n’est pas là pour transmettre du savoir, mais du savoir-faire. L’étudiant doit pouvoir s’approprier le savoir de ses propres efforts. L’université est plutôt là pour lui transmettre une méthode de travail (l’initiation à la recherche doit se faire dès le Bachelor) et surtout des compétences transversales: – analyse et résolution de problèmes; – résolution de conflits; – établissement de relations entre différents domaines; – travail sur données incomplètes; compétences linguistiques, etc.

Dans ce même ordre d’idées, il faut souligner que les diplômes universitaires sont des diplômes académiques qui doivent permettre l’accès à un emploi mais qui ne sont pas en eux-mêmes une formation professionnelle. La distinction souvent opérée entre «bachelor académique» et «bachelor professionnel» est ainsi mal à propos.

En clair, un titulaire d’un bachelor doit pouvoir détenir à l’accomplissement de son diplôme au-delà d’un savoir précis des compétences académiques universelles lui permettant, le cas échéant, une insertion professionnelle ailleurs que dans des emplois liés directement avec son savoir universitaire de base.

Il en résulte aussi une autre organisation universitaire. L’essentiel des études ne doit pas se concentrer sur les auditoires de masse, mais sur les travaux individuels de l’étudiant pour lequel il doit pouvoir compter sur un accompagnement pédagogique.

De même la mobilité mène du cloisonnement national à la transparence internationale. Les fondateurs du Processus de Bologne voulaient établir un véritable Espace européen de l’Enseignement supérieur et revenir à une mobilité universelle qui existait bel et bien au Moyen Âge.

La mobilité n’est ainsi pas une fin en soi. Etudier dans différents Etats européens permet non seulement de bénéficier d’enseignements différents, mais de connaître également de nouvelles cultures et de façonner ainsi une véritable mentalité européenne parmi les élites politiques et économiques. Il est indéniable qu’un des facteurs du succès politique et économique de notre pays est l’esprit d’ouverture de ses élites politiques et européennes, façonné largement du fait de la mobilité forcée à l’époque où il n’y avait pas d’université. 

La mobilité mène du cloisonnement national à la transparence internationale

Ce qui plus est, toutes les statistiques démontrent que la mobilité internationale est une des clefs de l’excellence universitaire et de la recherche. C’est certainement le cas aux Etats-Unis. Et en Europe, le débat vient aussi d’être relancé. Ainsi, suite à une polémique helvétique qu’il y aurait trop de professeurs allemands aux universités suisses, le professeur Winnacker, secrétaire général du nouveau Conseil européen de la recherche répond que c’est justement cet élément international qui établit l’excellence d’une ETH de Zurich, alors qu’en Allemagne le cloisonnement national explique le fait que ses universités sont à la traîne. «Noch gehört keine einzige der neun deutschen Eliteunis wirklich zur Weltspitze. […] Zunächst, weil deutsche Hochschulen kaum die Chance haben, Wissenschaftler aus dem Ausland einzustellen. An der ETH Zürich zum Beispiel kommen 60 Prozent der Professoren aus dem Ausland. In Deutschland hingegen sind nur drei Prozent der Professoren Ausländer. So kann keine internationale Exzellenz entstehen.» (Managermagazin 2/2008).

Il en résulte que la mobilité ne doit pas seulement concerner les étudiants mais également les enseignants et chercheurs. C’est à juste titre que la loi sur l’Université du Luxembourg se base sur les critères du multilinguisme et du recrutement international tant des étudiants que des enseignants. Et c’est encore à juste titre qu’elle instaure une mobilité obligatoire, qui doit d’ailleurs être organisée par l’université elle-même.

La mise en oeuvre de la mobilité, donc du fait d’étudier dans plusieurs universités dans le cadre de l’obtention d’un degré universitaire, présuppose une reconnaissance réciproque des connaissances acquises ailleurs. Ce qui nous ramène au critère des ECTS. Les ECTS sont acquis dans le cadre de modules et ces points ECTS une fois validés sont transportables.

Ceci exige une évaluation européenne de la qualité de l’enseignement, une reconnaissance mutuelle des diplômes, l’élaboration d’un «supplément de diplôme» (soit une version standardisée du diplôme national permettant sa reconnaissance européenne), l’offre de diplômes communs entre universités, etc. L’Université du Luxembourg a d’ailleurs largement mis en Å“uvre ces principes.

Il est indéniable que le Processus de Bologne comporte une facette importante regardant le marché du travail. Comme le dit souvent le recteur Rolf Tarrach de l’Université du Luxembourg, l’ «université n’est pas là pour produire des chômeurs».

La reconnaissance des diplômes par les employeurs est donc un des points de discussion les plus importants. Il importe notamment que le Bachelor soit reconnu en tant ce qu’il est, à savoir le premier diplôme d’un cycle universitaire complet et non comme un prédiplôme à un Master.

L’attitude de la Fonction publique sera déterminante à cet égard. Voilà pourquoi le gouvernement luxembourgeois a entamé une large consultation pour pouvoir déterminer à l’avenir dans quelle mesure et pour quelles fonctions la détention du Bachelor donnera accès à la carrière dite actuellement supérieure de l’Etat. Il en résultera à terme un remodelage fondamental de la Fonction publique.

Ce remodelage fondamental ne saura se limiter en définitive à dessiner un accès à la carrière dite actuellement supérieur aux détenteurs d’un Bachelor. Une des caractéristiques des carrières étatiques est le fait qu’elles sont largement déterminées par la formation initiale. 

Employabilité: L’enseignement initial cède son monopole à l’apprentissage tout au long de la vie

Or, le Processus de Bologne est censé donner une réponse aux défis de la société postindustrielle. S’il est d’une part, de plus en plus important de disposer d’une solide formation initiale, elle n’est, d’autre part, qu’une condition nécessaire mais certainement pas suffisante pour une évolution durable de la carrière professionnelle. L’apprentissage tout au long de la vie sera déterminant à l’avenir.

Il en résulte deux conséquences: Il faudra mieux pouvoir alterner voire concilier périodes de formation et périodes de travail. L’idéal ne sera à l’avenir certainement pas d’accomplir successivement sans interruption bachelor, master et docteur, mais il sera plus propice d’entrecouper les trois périodes de formation par des périodes de travail, comme c’est souvent le cas dans les pays anglo-saxons. En effet, commencer à travailler après les Bachelor permettra au jeune universitaire de choisir peut-être en meilleure connaissance de cause sa future spécialité professionnelle qu’il préparera en acquérant un Master. Rappelons que le Bachelor est une formation plutôt généraliste et le Master une formation plutôt spécialisante.

Il faudra dès lors offrir aux universitaires la possibilité d’une telle alternance entre formation et profession sans qu’ils ne souffrent d’un manque de ressources. Deux solutions s’offrent à cet égard: offrir les cours de Master en dehors des heures de bureau pour permettre aux intéressés de continuer à travailler tout en continuant les études, ce que l’Université de Luxembourg envisage d’ores et déjà; introduire des comptes-épargne temps (Lebensarbeitszeitkonten), dont un projet est actuellement à l’étude au ministère du Travail et de l’Emploi, respectivement un congé sabbatique dans la Fonction publique.

D’autre part il faudra reconnaître les acquis professionnels comme deuxième solution. La mise en Å“uvre du système des ECTS permettra également une validation des acquis professionnels. L’Université du Luxembourg a d’ores et déjà appliqué ce système. Ainsi, on pourra acquérir un certain nombre d’ECTS par la voie de l’expérience professionnelle.

De même devrons-nous permettre à l’avenir davantage de transitions entre les différents degrés d’enseignement. Le nouveau projet de loi sur le Brevet de technicien supérieur (BTS), qui est un diplôme d’enseignement supérieur mais non à caractère universitaire, permet aux titulaires d’acquérir également des ECTS qui pourront être crédités si le titulaire envisageait pas la suite continuer sur la voie universitaire.

La mise en oeuvre prochaine du Cadre européen des certifications permettra de continuer dans cette voie.

Dans la société industrielle, le monde du travail ressemblait à une pyramide, à la base on avait besoin d’une majorité de travailleurs manuels dont on n’exigeait pas d’autres compétences, au milieu se trouvaient les cadres moyens, surtout administratifs. En haut on n’avait besoin que d’un petit nombre d’élites, en général de niveau universitaire. Elite rimait ainsi avec universitaire. 

Dimension sociale: des élites universitaires à la banalisation de l’enseignement supérieur

Le monde du travail de la société postindustrielle ressemble plutôt à une horloge renversée. En bas on trouve un certain nombre d’emplois non qualifiés, confinés dans un certain nombre de secteurs et en proie à une nouvelle sous-prolétarisation. Les cadres administratifs du milieu deviennent de plus en plus superflus. La majorité des emplois seront des emplois à niveau d’enseignement supérieur. D’ailleurs au Luxembourg, 55 pour cent des emplois nouvellement créés sont d’ores et déjà des emplois de niveau d’enseignement supérieur.

L’évolution démographique régressive en Europe renforcera le besoin de faire accéder davantage de personnes à une formation supérieure également aux personnes en activité professionnelle, qui seront appelées à travailler plus longtemps.

Dès lors, universitaire ne rimera plus avec élite. Le diplôme d’enseignement supérieur, voire même de niveau universitaire ne sera plus l’exception, mais de plus en plus la règle. Il offrira le moyen d’accéder aux élites, sans en être le garant. Il faudra donc se rendre à l’évidence que la détention d’un diplôme d’enseignement supérieur permettra de moins en moins aux jeunes diplômés d’accéder dès leur premier emploi à un salaire substantiel. Mais il permettra, sous bénéfice d’une formation continue tout au long de la vie d’accéder par la suite aux élites. Pour prendre un exemple, si c’est plus facile de devenir manager après avoir accompli une formation managériale ce n’est pas en accomplissant cette formation qu’on devient manager, mais en travaillant.

C’est cette dernière constatation qui est certainement la plus explosive pour notre pays et sa cohésion sociale. Si le Luxembourgeois dans le passé avait comme dessein d’accéder aux fonctions intermédiaires, il faut se rendre à l’évidence que ces couches moyennes se trouvent de plus en plus prises en sandwich. On l’a dit: 55 pour cent des emplois nouvellement créés présupposent un diplôme d’enseignement supérieur. Or, uniquement 25 pour cent des jeunes au Luxembourg accèdent actuellement à ce niveau alors que 50 pour cent des nouveaux immigrés sont de ce niveau!

Or, si nous voulons que 50 pour cent des jeunes au Luxembourg accèdent dorénavant à l’enseignement supérieur, il faut qu’une très large majorité de jeunes accède au moins au niveau Bac ou équivalent (CATP?). En effet, si le système luxembourgeois de bourses et de prêts garantit un accès aux études supérieures dans le chef de toutes les couches sociales, il est patent que les jeunes issus de milieux défavorisés n’accèdent pas assez au niveau de bac ou équivalent, condition essentielle pour poursuivre les études. On est donc loin du compte. Or le contrôle de l’économie luxembourgeoise sera à ce prix.

Le Processus de Bologne est décidément plus qu’un détail n’intéressant que les universités. 

Une tribune libre de Monsieur François Biltgen, ministre de l’Enseignement supérieur et du Travail.

Source: Wort, du 13 mars 2008