Intervention de Monsieur Norbert Haupert devant le Conseil de l’Europe en date du 24 janvier 2008
D’une activité purement ludique, le sport s’est transformé au fil des années en activité de compétition qui a abouti aux compétitions de très haut niveau que nous retrouvons aujourd’hui dans toutes les disciplines. Avec l’évolution de ces compétitions et le soutien de la télévision, le sport est devenu un facteur économique important ce qui a malheureusement entraîné les excès auxquels Monsieur Arnaut a fait allusion dans son excellent rapport pour lequel je voudrais le féliciter sincèrement.
Le sport s’est développé autour du bénévolat et son organisation s’est constituée en dehors des structures des instances publiques sur des fondements largement empreints des principes démocratiques. Le professionnalisme qui s’est peu à peu emparé du sport de haut niveau n’a rien changé à ces principes.
Je voudrais limiter mon intervention à un point qui à mon avis n’a pas été suffisamment traité dans le rapport à savoir celui de la responsabilité du mouvement sportif. En effet, le corollaire de l’indépendance et de l’autonomie du mouvement sportif privé réside dans sa responsabilité vis-à-vis des sportifs qu’il représente, de la société dans laquelle il s’intègre et des valeurs qu’il défend. Sur base de deux exemples, je voudrais illustrer comment l’autonomie du sport risque d’être ébranlée si le mouvement sportif ne prend pas ses responsabilités dans des questions qui le concernent.
Le premier exemple a trait au doping dans le sport. Notons d’emblée que ce ne sont pas seulement les sportifs qui se dopent. Le doping est aussi répandu dans le monde du spectacle, dans les milieux économiques et parmi les professions libérales. Par ailleurs, nul n’ignore que les produits dopants constituent pour leur grande majorité des médicaments et trouvent une large application en médecine. L’usage du doping et les abus qui en sont faits tombent donc sous les dispositions légales sur les produits médicamenteux. L’administration des produits dopants, leur transport et leur stockage sont donc couverts par le droit commun et il n’existe aucune nécessité de légiférer spécialement pour le doping en matière du sport. La distinction entre le doping dans le sport et dans les autres domaines de la société réside dans la compétition.
Le sportif se trouve en compétition avec un ou plusieurs concurrents, et l’usage du doping fausse complètement le résultat de la compétition sportive. Et c’est sur ce plan que le mouvement sportif est sollicité et il lui appartient seul de prendre les sanctions au niveau sportif qui s’imposent. Or, beaucoup de fédérations sportives se sont longtemps refusées de prendre les sanctions nécessaires de sorte que certains gouvernements se sont vus obligés de légiférer en la matière au risque d’empiéter sur l’autonomie du mouvement sportif.
Le second exemple concerne les décisions de participation aux grandes compétitions internationales. Il appartient en effet aux fédérations nationales de décider de la participation de leurs sportifs respectivement de leurs équipes à ces compétitions. L’autonomie du sport en la matière est généralement reconnue. Or, voilà qu’à l’approche des Jeux olympiques de Pékin de plus en plus de voix se font entendre sur un possible boycott de ces Jeux vues les entraves aux droits de l’homme dont est toujours victime la population chinoise.
L’idée du boycott d’une manifestation sportive, soit-elle aussi prestigieuse que les Jeux olympiques, devant être l’unique moyen pour amener les responsables chinois à modifier leur politique en matière de droits de l’homme, alors qu’on continue à entretenir des relations économiques et diplomatiques avec le même pays, me paraît extrêmement discutable et surtout tout à fait unilatéral. C’est au mouvement sportif de prendre une telle décision, et il lui incombe de prendre ses responsabilités vis-à-vis de ses sportifs qui se sont préparés durant de longues années à cet événement qui pour la plupart constitue le point culminant de leur carrière. Par contre il appartient également au mouvement sportif de décider de l’attribution de ces compétitions aux pays respectifs. C’est à cette occasion que le mouvement sportif devrait prendre ses responsabilités et tenir compte du respect des droits de l’homme, qui sont aussi des valeurs défendues par le sport, dans les pays candidats, avant de leur conférer une telle organisation.
Ces deux exemples illustrent clairement qu’autonomie et responsabilité du mouvement sportif vont de paire et que le mouvement sportif doit à l’avenir prendre toutes ses responsabilités s’il veut éviter que le pouvoir public ne vienne empiéter sur son autonomie.