Ministre des Travaux publics depuis août 2004, Claude Wiseler a entrepris des réformes en profondeur. Utiliser l’argent disponible de la façon la plus rationnelle qui soit, c’est la ligne dont il entend ne pas déroger.
Interview du Ministre des Travaux publics, Claude Wiseler, avec Denis Berche du Quotidien, 2 avril 2007
Le Quotidien: Qu’est-ce que le ministère des Travaux publics?
Claude Wiseler: Le ministère des Travaux publics est chargé de la politique d’investissement du gouvernement. Il doit doter le pays des infrastructures nécessaires à son développement économique, tant dans le domaine de la voirie que pour les bâtiments publics.
C’est, bien entendu, la partie la plus visible de ses attributions. Mais il y a aussi la planification, la conception et l’organisation de ces travaux.
Le Quotidien: Est-ce un “gros” ministère?
Claude Wiseler: Le ministère des Travaux publics est un petit ministère avec une quarantaine de personnes. Mais il faut y adjoindre l’Administration des ponts et chaussées et l’Administration des bâtiments publics.
Le Quotidien: Êtes-vous le ministre qui bénéficie des plus “gros” budgets?
Claude Wiseler: Sur plusieurs années et si l’on ne parle que des investissements, très certainement. Mais il est très difficile de comparer un ministère à l’autre. Les plus grosses dépenses de mon ministère proviennent de quatre fonds d’investissement mis à la disposition par le gouvernement. Ce sont des budgets pluriannuels. Il y a le Fonds des routes et les trois fonds d’investissements publics administratifs, scolaires, sanitaires et sociaux. Nous avons aussi pour mission l’entretien et la rénovation de tous les bâtiments de l’État. Nous collaborons avec le Service des sites et monuments pour les bâtiments historiques.
Le ministre des Travaux publics a également sous sa tutelle trois établissements publics qui sont le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau du Kirchberg, le Fonds Belval et le Fonds de rénovation de la vieille ville.
Définir des priorités
Le Quotidien: Le ministère des Travaux publics a souvent été montré du doigt. Vous vous êtes engagé à faire de profondes réformes. Pourquoi?
Claude Wiseler: Au début de mon mandat, plusieurs questions se posaient. Comment puis-je garantir que le ministère garde en main, à toutes les étapes du processus, les grands projets? Comment puis-je construire moins cher? Comment puis-je construire plus rapidement? Comment garder le contrôle du coût des investissements? Ces questions sont différentes et même parfois contradictoires les unes par rapport aux autres. Pour trouver des réponses satisfaisantes, il faut définir des priorités et une ligne de conduite. La philosophie se résume à utiliser l’argent disponible de la façon la plus rationnelle qui soit.
Le Quotidien: Comment avez-vous procédé?
Claude Wiseler: J’ai analysé certains problèmes qui s’étaient posés dans le passé. Pour ce qui concerne les dépassements de budget, on peut citer l’exemple de la Cité judiciaire dont le premier projet a été voté en 1999. Avec les exigences de l’Unesco, ce projet a dû être entièrement modifié et le budget s’est envolé. Comment pouvait-il en être autrement?
D’où la décision prise de ne plus faire voter la Chambre sur des projets sommaires. Il y a désormais l’étude par les députés en commission d’un préprojet, avec une motion autorisant le projet. L’idée forte est de pouvoir aller le plus tard possible devant la Chambre pour présenter un avant-projet définitif qui fera alors l’objet d’un financement.
Le Quotidien: Et pour la route du Nord, autre cas problématique?
Claude Wiseler: Le texte a été voté en 1996. Il prévoyait l’intégralité du projet jusque 2011/2012. Le projet avait été préparé en 1993/1994. Comment peut-on prendre sur une telle période un engagement par rapport à des prix? C’est impossible! On ne peut plus faire voter des projets d’une telle envergure dans le temps dans ces conditions. Pour la liaison de Micheville, le budget sera voté en trois ou quatre parties. Pour autant, cela ne résoudra pas tous les problèmes. S’il y a un éboulement ou des modifications techniques, il faudra bien en tenir compte.
Le Quotidien: La construction de la Philharmonie avait également été très critiquée. Qu’en avez- vous retenu comme leçon?
Claude Wiseler: Dans ce cas, il a fallu en cours de route opérer de nombreux changements en fonction de nouvelles donnés techniques.
Avant le premier trait sur le papier, il est impératif que des analyses en détail, les plus poussées possibles, aient été faites. Il faut être sûr du projet décidé et s’en tenir alors à ce qui a été décidé. Construire moins cher et plus vite implique de se préparer mieux et de ne pas changer en route. À tous les stades, chez tous les intervenants, il faut que ces questions soient présentes et trouvent des solutions rationnelles.
Le Quotidien: Que proposez-vous pour l’attribution des marchés publics, autre source de problèmes?
Claude Wiseler: Puisqu’on apprend toujours de ses erreurs, nous avons étudié les affaires juridiques auxquelles avait été confronté le ministère des Travaux publics.
J’ai déposé il y a un mois une nouvelle proposition de loi et un nouveau règlement d’application. Je discute avec l’ordre des architectes et des ingénieurs. Je veux qu’ils puissent tenir compte de la philosophie que je veux mettre en place. Je ne suis pas insensible à l’art et à la beauté. Il ne faut pas de la pierre de taille partout. Parfois, le béton peut suffire. Nous devons apprendre à faire du solide sans faire du luxe. Je souhaite que tout le monde travaille de concert, avec la rationnalité et l’efficacité à l’esprit. Contrairement à ce que d’aucuns peuvent penser, il n’est pas question d’investir moins. Au contraire, il est toujours question d’investir plus, mais mieux.
Le Quotidien: Dans quels secteurs?
Claude Wiseler: Trois sont prioritaires. Le premier, ce sont les infrastructures scolaires. En 1995, le fonds d’investissement scolaire prévoyait 20 millions d’euros de dépenses. C’était 43 en 2001. C’est 121 millions pour 2007! La seconde priorité concerne les infrastructures européennes. En tant que siège d’une partie des institutions européennes, le Luxembourg a des engagements à tenir. Dans les 7 à 8 prochaines années, les investissements seront supérieurs à 1,5 milliard d’euros. Si 500 millions seulement resteront directement à la charge de l’État, toute l’économie luxembourgeoise bénéficiera de ces travaux d’envergure. Reste la troisième priorité, les constructions de maisons de retraite ou établissement gériatriques à hauteur de 35 millions d’euros.
Le Quotidien: Que prévoyez-vous pour les réseaux routiers?
Claude Wiseler: Tout les choix seront faits en fonction du plan IVL, et notamment de la gestion de la mobilité. Tous les efforts entrepris devront se faire dans la logique définie par le schéma d’aménagement du territoire. Outre la route du Nord et la liaison de Micheville, le plus gros projet à venir est la mise à trois voies de l’A3/A6 entre Mamer et Bettembourg.
Le Quotidien: Vous êtes ministre pour la première fois. Vous l’êtes depuis bientôt trois ans.Que retenez vous?
Claude Wiseler: J’ai connu plusieurs ministères comme fonctionnaire et conseiller de gouvernement. Quand on est ministre, on est seul pour prendre et assumer la responsabilité. Vu la charge de travail, on n’a malheureusement pas la possibilité de connaître tous les dossiers dans les moindres détails. Il faut donc savoir déléguer et faire confiance. Pour le reste, j’essaye de garder tous les contacts que j’avais auparavant. J’ai besoin d’un regard critique sur ce que je fais.
Qui est-il?
Né le 30 janvier 1960 à Luxembourg, il est marié et père de trois enfants (deux garçons et une fille). Deux sont à l’université à l’étranger, alors que le troisième est dans un sport-étude en Allemagne et joue au basket en 2 ième Bundesliga.
- Après des études secondaires à l’Athénée de Luxembourg (1972-1979), il s’inscrit à l’université de Paris III (Sorbonne nouvelle), où il obtient une maîtrise de lettres modernes et une licence en littérature générale et comparée (1983).
- Entre 1983 et 1987, il enseigne les langues à l’Athénée de Luxembourg et au Lycée technique du Centre.
- De 1987 à 1989, il est professeur, attaché au ministère de l’Éducation nationale.
- En 1989, il passe son doctorat à l’université de Paris-Sorbonne.
- De 1989 à 1999, il occupe le poste de conseiller de gouvernement au ministère de la Famille et de la Solidarité sociale, puis au ministère des Classes moyennes et du Tourisme.
- Après avoir été secrétaire général du Parti chrétien-social de 1995 à 2000, il est élu, à la suite des élections législatives de juin 1999, député de la circonscription Centre sur la liste du CSV.
- Au Parlement national, il assume la fonction de vice-président du groupe parlementaire CSV, vice-président de la commission de l’éducation nationale, de la formation professionnelle et des sports.
- De 2000 à 2004, il est également échevin de la ville de Luxembourg, responsable de l’enseignement et des affaires sociales.
- Réélu député le 13 juin 2004, il entre au gouvernement le 31 juillet comme ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, et ministre des Travaux publics.
Source: Le Quotidien, 2 avril 2007, Denis Berche