Le ministre des Travaux Publics Claude Wiseler souhaite la révision de l’article de la constitution sur les expropriations
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Claude Wiseler souhaite la révision de l’article de la Constitution sur les expropriations. Le ministre des Travaux publics, Claude Wiseler, a obtenu de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle qu’elle réfléchisse et propose une modification de l’article 16 de la Constitution prévoyant une «préalable indemnité» en cas d’expropriation pour cause d’utilité publique. Depuis 2003, la Cour constitutionnelle a imposé une interprétation très restrictive de cette notion, ce qui bloque de nombreux projets. Le ministre s’explique dans un entretien avec Jean-Marie Denninger de la Voix.
La Voix du Luxembourg: Monsieur le ministre, pourquoi faut-il modifier la Constitution?
Claude Wiseler: La propriété est un droit fondamental fixé par la Constitution. Il est évident que l’Etat se voit obligé, s’il veut déroger à ce droit principal, d’en fixer les règles dans la Constitution. Pour l’heure, deux lois règlent le détail des procédures en s’appuyant sur l’article 16 de la Constitution: la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique et la loi du 16 août 1967 sur la grande voirie de communications et le Fonds des routes.
La Constitution stipule que nul ne peut être privé de son droit de propriété que pour cause d’utilité publique dans les cas et de la manière établie par la loi et supposant une juste et préalable indemnité.
Mais que dit la Constitution?
Elle stipule que nul ne peut être privé de son droit de propriété que pour cause d’utilité publique dans les cas et de la manière établie par la loi et supposant une juste et préalable indemnité. La situation est bloquée. Il faut que l’Etat puisse réagir dans des délais appropriés. Bien sûr que je respecte le droit à la propriété mais il y a des circonstances où, l’intérêt public l’exigeant, l’Etat doit pouvoir réagir dans des délais respectables et raisonnables.
“Tout cela fonctionnait jusqu’en 2003”
Ce n’est pas la notion d’indemnité juste mais préalablé qui pose problème?
Exactement. Jusque-là, les deux textes de loi dont je vous parlais prévoyaient une procédure à deux temps. Au niveau administratif, il fallait aboutir au constat de la légalité de l’expropriation. Une fois ce constat fait, l’Etat pouvait entrer en possession du terrain ou du bien et tout ce qui relevait du civil, comme l’indemnisation, pouvait se conclure ultérieurement.
Tout cela fonctionnait jusqu’en 2003. Dans un arrêt du 10 février de cette année-là, la Cour constitutionnelle qui avait été saisie d’une question préjudicielle du tribunal civil dans un litige opposant un particulier à un syndicat de distribution d’eau a conclu à une interprétation stricte de la notion d’indemnité préalable. Cela veut dire que l’indemnisation doit être complète et définitive avant que l’Etat ne devienne effectivement propriétaire du terrain. Or cela peut durer des années jusqu’à ce que toutes ces opérations, avec expertises, soient achevées.
Avez-vous des exemples?
L’autoroute de la Sarre.
Comment cela se passe-t-il dans les pays voisins comme la France et la Belgique?
Comme au Luxembourg, avant le jugement de la Cour constitutionnelle. En Belgique, pays qui dispose de textes analogues aux nôtres, la Cour d’arbitrage a fait adopter des amendements permettant de poursuivre les expropriations.
Où en sommes-nous?
La situation est bloquée. Pour moi, il faut que l’Etat puisse réagir dans des délais appropriés. Bien sûr que je respecte le droit à la propriété mais il y a des circonstances où, l’intérêt public l’exigeant, l’Etat doit pouvoir réagir dans des délais respectables et raisonnables.
Mais il y va d’un droit fondamental essentiel dans nos sociétés occidentales?
Je suis parfaitement conscient de la valeur de ce droit. Je connais l’importance du droit à la propriété et je ne souhaite à aucun moment jouer avec un tel principe. Dans la façon de réagir de l’Etat, le souci constant restera le droit à la propriété mais j’ajoute que l’Etat doit veiller à pouvoir réagir, travailler et doter le pays des infrastructures indispensables. Mon souci d’homme politique, c’est d’allier les deux principes pour que cela fonctionne. Je connais l’importance du droit à la propriété et je ne souhaite à aucun moment jouer avec un tel principe.
Quelle solution proposez-vous?
La situation antérieure était acceptable. Jusqu’à la décision de la Cour constitutionnelle. Il nous faut trouver une solution juridiquement correcte et rétablissant la situation antérieure. Nous avons regardé s’il était possible de raccourcir les différentes étapes de la procédure. Nos experts sont arrivés à la conclusion que la procédure restera de toute façon longue car nous ne sommes pas maîtres du temps. Des expertises doivent être faites, souvent complétées par des contre-expertises.
Nous ne pouvons pas imposer de délais. Il est donc apparu que l’autre voie est plus efficace, à savoir une modification de l’article 16 de la Constitution dans le respect du droit à la propriété privée. Nous ne voulons rien de plus que la situation antérieure et que la Constitution permette aux textes de loi d’être conformes.
Comment allez-vous procéder?
J’ai consulté la Commission parlementaire des institutions et de la révision constitutionnelle, présidée par Paul-Henri Meyers. Nous avons discuté avec tous les partis politiques. Les parlementaires ont conscience du problème et de la nécessité de trouver une formulation correcte. Je leur apporte l’opinion du gouvernement mais je me veux très clair. Comme il s’agit d’un changement de la Constitution, la logique veut que la solution vienne de la Commission parlementaire qui fait d’ailleurs un excellent travail.
Surmonter le problème des délais trop longs
Quand interviendra cette révision?
J’espère le plus rapidement possible. Le souhait du gouvernement serait qu’elle ait lieu si possible encore cette année. Mais l’initiative appartient à la Commission parlementaire et il faudra attendre l’avis, très important, du Conseil d’Etat. Mais le ministère des Travaux publics est confronté tous les jours à des problèmes de délais et des demandes urgentes comme la construction d’écoles, voire de lycées. Sans terrain, je ne peux pas avancer dans certains projets.
Par exemple?
Je n’aime pas donner de noms, mais il est de notoriété que nous sommes bloqués depuis trois ans sur un projet comme le lycée d’Ettelbruck.
Va-t-on exproprier plus facilement?
Non, puisque nous allons simplement rétablir la situation antérieure. Dans nos rachats de terrains, je privilégie toujours les négociations, le plus loin possible. L’expropriation reste le dernier recours pour permettre à l’Etat de doter le pays des infrastructures dont il a un besoin urgent et relevant de l’utilité publique.
Source: La Voix du Luxembourg, 17 juillet 2006, Jean-Marie Denninger