Dire « oui » à la Constitution pour l’Europe

Marcel Oberweis:”En tant qu’Européen convaincu et sachant bien que nous puissions que survivre dans une Europe commune, je ne peux que plaider pour un large «oui», il va de l’avenir de l’Europe, de notre futur.”

« Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes » (Jean Monnet le 30 avril 1952)


À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, nombreux furent ceux qui ont bien compris combien la juxtaposition en Europe de nations indépendantes était dangereuse et source de conflits meurtriers. Il y a plus de 50 ans les «pères» de l’Europe que furent Robert Schuman, Jean Monet et Konrad Adenauer tentaient de réaliser les États Unis d’Europe par étapes successives, en commençant par des «réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait».

La jeune histoire de l’Europe est en fait, l’histoire de divisions surmontées; c’est l’histoire de pays auparavant opposés par deux guerres mondiales, puis par une guerre froide et qui, peu à peu, se sont donnés la main parce qu’ils avaient conscience d’être liés par un destin commun. L’Europe s’est donc faite par débordements progressifs à partir du charbon et de l’acier. Ce mode de construction a eu son efficacité, mais il n’a pas produit de véritable pouvoir politique intégré. Par le Traité de Rome en 1957 la fondation de la «Maison européenne» fut entamée, suivaient l’Acte unique en 1986, le traité de Maastricht en 1992 et le Traité d’Amsterdam en 1997. Suite au Traité de Nice en 2001 et à la Déclaration de Laeken, la Convention européenne a vu le jour qui nous a procuré la Constitution européenne.

L’union des pays et des peuples européens est, il faut l’avouer, née des cendres des conflits passés. Les conflits actuels pourraient agir comme ciment pour «bâtir» une union encore plus étroite. Grâce à la réunification de l’Europe, elle pourra enfin respirer avec ses deux poumons, celui de l’Ouest et celui de l’Est. Ce sont les défis du développement durable, de la croissance économique assortie du respect de l’environnement et de la protection des zones et des personnes les plus défavorisées qu’ils faut percevoir et en trouver des solutions adéquates.

C’est pourquoi la Constitution européenne est une étape importante de la construction européenne. Rédigée afin de répondre aux défis d’une Europe élargie, une Europe de 25 Etats membres et 450 millions d’habitants, cette Europe sera démocratique, transparente, efficace et au service des Européens.

Le pouvoir constituant appartient au peuple

Cette Constitution européenne remplace par un texte unique les principaux traités européens existants, elle établit l’Union européenne, une union des citoyens. Elle énonce les valeurs qui représentent les idées de la «Maison européenne» et qui sont le respect de la dignité humaine, l’égalité, la liberté, promouvoir la paix, l’Etat de droit et le respect des droits de l’Homme.

Respectant l’environnement, l’Union oeuvre pour une Europe du développement durable joignant les deux autres piliers, la croissance économique équilibrée et une économie sociale. Elle promet la cohésion économique, sociale et territoriale ainsi que la solidarité entre les Etats membres. Elle consacre comme un droit fondamental l’obligation d’intégrer la dimension environnementale dans toutes les politiques européennes.

A travers cette Constitution, l’Europe, cette première puissance économique se fera enfin identifier dans le monde et de voit son capital démocratique renforcé. La Constitution européenne garantit aux Européens un espace unique de liberté, sécurité et justice. Elle représente un important maillon émanant de la déclaration de Robert Schuman du 8 mai 1950, celle de garantir durablement la paix, la stabilité et la prospérité en Europe.

Pour la première fois, nous aurons e.a. des actes législatifs définis, des actes d’exécution. La structure en piliers, qui était à la source d’un grand nombre de complications disparaît. Elle va aussi considérablement simplifier un certain nombre de choses sur différents niveaux. Sans être parfait, le nouveau fonctionnement deviendra plus démocratique. Les procédures de prise de décisions à la majorité qualifiée sont appliquées à plus de domaines. Le mécanisme de codécision, qui accorde une place de choix au parlement, devient le principe et les exceptions diminuent.

Un des acquis fondamentaux de l’histoire contemporaine de l’État constitutionnel est que le pouvoir constituant appartient au peuple, seul souverain capable de dire les conditions dans lesquelles il délègue l’exercice de son pouvoir. Les Américains inventèrent dès 1776 le principe de la convention constituante, la révolution française poursuivit ce chemin dès 1789.

Quant à la représentation du Luxembourg au sein du Parlement européen, un des fleurons de l’Europe, on ne peut que féliciter les intervenants luxembourgeois au sein de la Convention d’avoir obtenu gain de leur cause. Si l’Union respecte le principe d’égalité de ses citoyens, leur droit à être également représentés au Parlement européen n’est pas respecté puisque la représentation des citoyens est assurée de façon dégressivement proportionnelle, avec un seuil minimum de six membres par État membre et qu’aucun État membre ne se voit attribuer plus de 96 sièges. Les 82,5 millions d’Allemands auront donc un député européen pour 860 000 habitants, tandis que les 453 000 Luxembourgeois auront un député pour 76 000 habitants. Le Luxembourg, bien représenté au Parlement européen aura donc du vent sous poupe.

Pourquoi dire « oui » à la Constitution européenne ?

On ne peut analyser un tel projet ambitieux sans définir tout d’abord quelle Europe nous voulons, quel but nous poursuivons, ou non, dans la construction européenne. Les souverainistes, qui refusent de transférer compétences et pouvoirs de l’État national à l’Union, les néo-libéraux ayant pour objet premier la liberté des affaires, ou les citoyens européens qui appellent de leurs voeux un transfert de compétences et de pouvoir des États nationaux à l’Union, ne peuvent à l’évidence avoir la même analyse du projet de constitution.

L’Europe de demain, tablant sur la stratégie de Lisbonne, ne pourra pas être réalisée sans les jeunes et encore moins contre eux, il est essentiel que cette génération participe à la construction européenne, sur la base d’une bonne information et d’une ouverture au dialogue et à la comparaison. L’ambitieuse stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi mise essentiellement sur les technologies de l’information et l’économie de la connaissance. L’Europe s’est donnée comme ambition de prendre la tête de la société de la connaissance, encore faut-il qu’il reste des jeunes pour assurer la relève. Agissons donc en faveur de notre jeunesse. Il nous faut croire à cette Europe; la construction de la «Maison européenne» devra s’achever rapidement sur de bonnes bases, les citoyens européens en ont tant besoin. La société de connaissances telle que nous la préconisons, nous permettra de faire rayonner les douze étoiles dans le monde entier.

L’Union européenne est une réponse intelligente aux défis du 21e siècle, elle est plus qu’une union politique mais une union des valeurs. On ne peut que vivement souhaiter que nous nous mobilisions massivement en faveur de cette Constitution en votant avec un « oui » lors du référendum du 10 juillet 2005, notre avenir et notre devenir en dépendront. Chacun aura à se prononcer en fonction de l’intérêt qu’il porte envers son Luxembourg et de sa vision de l’Europe. Le référendum ne doit pas devenir une «élection politique».

Le projet de la Constitution européenne a été adopté à Bruxelles le 18 juin 2004 par les chefs d’État et de gouvernement, puis signé à Rome le 29 octobre 2004. Lors du vote du 13 janvier 2005 le Parlement européen s’est prononcé pour la Constitution européenne avec une large majorité, ce qui représente un signal favorable.

Le refus lors du référendum à la Constitution européenne comporterait de graves conséquences, il ouvrirait une crise importante des institutions et de la dynamique de la construction européenne et ce au moins pour une dizaine d’années. La crise ainsi ouverte pourrait dégénérer et un processus de désintégration de l’Europe pourrait en être la conséquence.

En tant qu’Européen convaincu et sachant bien que nous puissions que survivre dans une Europe commune, je ne peux que plaider pour un large «oui», il va de l’avenir de l’Europe, de notre futur.

Marcel Oberweis