Interview avec le Ministre de l’intérieur Jean-Marie Halsdorf dans “Le Quotidien”
Le Quotidien: Constatez-vous une recrudescence de la petite criminalité dans les communes?
Jean-Marie Halsdorf: Le ministre de l’lntérieur est peu outillé pour répondre à cette question. Or, en tant qu’ancien bourgmestre, je me suis toujours intéressé aux problèmes liés à la sécurité urbaine. Je pense que l’effet de la Grande Région se fait ressentir au Luxembourg. Les situations varient cependant d’une commune à l’autre. Les problèmes sont différents selon que l’on se trouve en milieu urbain ou en milieu rural. D’autre part, on constate aujourd’hui que le sentiment d’insécurité au sein de la population augmente. Il est essentiel que les habitants aient confiance dans les autorités communales et nationales. Pour cela, il faut mettre en place une politique globale et pluridisciplinaire qui redonne confiance à la population en matière de sécurité.
Le Quotidien: Seulement 5% des affaires de cambriolages sont élucidées actuellement. Quelles pistes pouvez-vous proposer pour améliorer cette situation?
Jean-Marie Halsdorf: La prévention joue un rôle important. La participation des habitants est également essentielle. Au niveau des communes, les maisons de jeunes, les lycées, les écoles, toutes les personnes qui sont en contact avec la jeunesse, ont un rôle fondamental à jouer. Leur participation peut passer par des comités de prévention communaux ou régionaux. Quand les citoyens ont leur mot à dire, des flux d’information se créent entre la population et les autorités. Ces flux permettront certainement de lutter plus efficacement contre le fléau de l’insécurité.
Le Quotidien: Comment jugez-vous la répartition des compétences entre l’État et les communes dans le domaine de la sécurité?
Jean-Marie Halsdorf: Depuis cette législature, la police est sous la houlette du ministre de la Justice. C’est une démarche qui fait sens à mon avis. Il faut maintenant voir comment cela va se traduire au niveau communal. Je rappelle que la police municipale est devenue une police étatique en 1999. Auparavant, nous avions une police municipale et une gendarmerie nationale. Nous avons fait cette démarche afin de tenir compte de l’appel à la sécurité de la population. En même temps, le rôle des communes en matière de sécurité a diminué. Pour compenser cela, un outil a été mis en place pour dialoguer avec la police et les habitants. Il s’agit du comité de prévention local ou régional, un comité présidé par le bourgmestre. Quant à la répression, elle a toujours été sous l’autorité de la police, notamment de l’OPJ, l’officier de police judiciaire. Toujours est-il qu’en matière de sécurité, les habitants attendent une réponse de la part des communes. Je pense que la réponse de celles-ci à l’insécurité doit être une redéfinition des missions des agents municipaux (Pecherten).
Le Quotidien: C’est-à-dire qu’il faudrait élargir leurs compétences?
Jean-Marie Halsdorf: Oui, mais cela n’est pas évident, parce qu’il est impossible de leur donner des missions style OPJ. Donc ils ne peuvent pas dresser de procès verbal au sens strict. Je pense que leur action doit s’inscrire dans une démarche parallèle à celles des autorités, c’est-à-dire qu’ils peuvent collaborer dans la gestion de certaines affaires. Maintenant, il faut voir si on peut trouver un terrain d’entente où les intérêts des uns et des autres se rencontrent.
Pas encore de plan d’action concret
Le Quotidien: Est-ce qu’ils pourraient porter des armes?
Jean-Marie Halsdorf: Certainement pas! Je pense qu’ils pourraient faire exécuter des règlements communaux. Mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Aujourd’hui, nous sommes conscients du problème et nous allons essayer de trouver une solution. Je pense qu’il y a urgence en la matière. Les habitants se cachent souvent derrière l’agent municipal. Face à cette situation, il me semble nécessaire de supprimer les incohérences qui existent au niveau des compétences des agents. Je pense qu’il faut régulariser ce secteur.
Le Quotidien: Comment allez-vous procéder?
Jean-Marie Halsdorf: Pour l’instant, nous n’avons pas défini de plan d’action concret. Nous allons nous réunir avec les responsables des ministères et les commissaires de district qui représentent la territorialité de la commune.
Caméras de surveillance
Le Quotidien: Êtes-vous favorable à l’installation de caméras de surveillance?
Jean-Marie Halsdorf: Dans certains cas, la surveillance peut donner un sens, dans d’autres cas, elle va à rencontre de la sphère privée des citoyens. Nous avons d’ailleurs une législation très stricte à ce niveau. Si on veut installer une caméra, il faut avoir des impératifs très sérieux pour obtenir une autorisation.
Le Quotidien: Quel doit être le rôle des entreprises privées?
Jean-Marie Halsdorf: Ce rôle doit être complémentaire, mais je n’aimerais pas qu’on ait des expériences comme aux États-Unis. Je pense que la police est toujours garante d’une sécurité interne sérieuse et bien réfléchie.
Plan local de sécurité
Le Quotidien: Des plans locaux de sécurité voient le jour dans certaines communes. Quel est leur objectif?
Jean-Marie Halsdorf: Dudelange et Esch ont fait le premier pas dans ce sens. Le plan local de sécurité implique la collaboration entre tous les intervenants. C’est une décision qui est prise par la commune et réalisée en collaboration avec les autorités policières. Je pense que toutes les grandes communes du pays devraient se doter d’un plan local de sécurité. Celui-ci permet de répondre au plus près à la demande locale de sécurité
“Le Quotidien” du 30.11.2004 -SIP