D’Pressegesetz vun 1869 ass réforméiert ginn. De Laurent Mosar huet en détailléierten Rapport verfaasst, deen eenstëmmeg an der Medienkommissioun ugeholl gouf.
La presse luxembourgeoise vit encore sous l’empire d’une loi qui aurait fêté ses 135 ans le 20 juillet prochain. Ce texte datant de 1869 porte la marque de son époque: la liberté de la presse étant garantie dans son principe par la Constitution de 1868, la loi votée une année après constitue en quelque sorte le pendant répressif de la règle libérale énoncée par la Charte fondamentale. Le libellé de la loi en dit long sur son inspiration et son but: il s’agit de la ” Loi sur la presse et les délits commis par divers moyens de publication “. Un texte de droit pénal, somme toute beaucoup plus que de droit des professions ou autre.
L’ancienne loi de presse luxembourgeoise a, dans l’ensemble bien servi au cours de sa longue existence. La preuve en est rapportée par le faible nombre de problèmes judiciaires qui se seraient manifestés dans le contexte d’affaires de presse qui faute de texte pertinent et précis applicable, se seraient embrouillées à leur tour. Or si le texte a bien servi, il ne peut continuer de servir efficacement: la presse a besoin d’une loi qui organise un cadre de travail pour la profession, au lieu de simplement l’enfermer dans un certain nombre de règles dont la transgression est sanctionnée.
Bien entendu, la presse d’aujourd’hui n’est plus celle de l’année 1869. A l’époque, ce fut par les seuls écrits que l’on véhiculait des informations et opinions susceptibles d’intéresser le public. Aujourd’hui, le rôle des médias audiovisuels est devenu tout à fait déterminant en termes d’impact sur l’opinion publique. A la radio et à la télévision se sont ajoutés l’internet, la communication par téléphonie mobile y inclus par messageries mobiles les ” alertes” (brefs messages d’information) par courrier électronique. D’autres moyens de communication compléteront l’arsenal au fil des années à venir. Il est évident que l’ensemble de ces moyens doit être formellement affecté par la législation sur la presse. Il est tout aussi évident qu’un texte de 1869 ne peut pas viser toutes les éventualités ayant cours normal dans la presse d’aujourd’hui. Le projet de loi étend son champ d’application à l’ensemble des vecteurs de transmission d’informations au public, respectivement vers un public cible déterminé. Ainsi par exemple, si les abonnés à une alerte envoyée par courriel (courrier électronique ou ” e-mail”) sont certes limités en nombre, celui qui offre le service de cette alerte offre bien un service de presse au sens large…
S’il est dit que le nouveau texte n’est plus orienté avant tout vers la répression, le projet de loi n’est pas un texte totalement dépourvu de sanctions: même en 2004, la presse ne doit pas pouvoir tout faire. Et c’est là le grand défi qui était posé aux auteurs du texte ainsi qu’aux institutions et associations appelées à se prononcer sur le texte du projet, à l’aviser et à l’amender: le maintien d’un équilibre assez fragile entre la liberté de la presse qui en tant que principe ne souffre pas de limites dans une société démocratique, et le respect d’autres droits, de droits de la personne notamment, comme celui à la vie privée, à l’honneur et à la réputation. Car si le principe de la liberté de la presse est absolu, la mise en oeuvre de ce principe ne peut pas être absolument libre et discrétionnaire.
Le caractère absolu de la liberté de la presse est consacré non seulement par notre propreConstitution, mais encore et notamment par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et d’autres instruments juridiques internationaux, comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Concrètement la liberté de la presse doit être fondée sur l’absence de censure officielle ou de fait, de cautionnements, de déclarations voire d’autorisations préalables et plus généralement sur l’absence de toute entrave à la manifestation d’opinions par la voie de la presse. Bien entendu le libre fonctionnement des maisons d’édition et des imprimeries ainsi que des lieux de distribution de la presse écrite doit être garanti dans cette logique de même que le libre fonctionnement sans entraves et la disponibilité de moyens de transmission réels en faveur de la presse audiovisuelle. S’ajoute à l’époque contemporaine la liberté de la circulation des informations via internet, téléphonie mobile, et autres moyens de communications modernes. Mais même cette liberté n’est pas totale. La controverse sur ce qui constitue une information d’intérêt général respectivement une opinion acceptable dans une société démocratique et ce qui, en termes de contenu, franchit les bornes de l’acceptable et ne saurait être véhiculé par voie de presse, n’est pas encore tranchée d’une manière universelle.
En l’absence d’une telle solution, le droit pénal réprime la manifestation publique de certaines opinions, notamment celles incitant à la haine, raciale ou non; ainsi que la diffusion de matériel pornographique à caractère pédophile respectivement violent. Ce n’est pas la législation sur la presse qui interdit la diffusion de tels contenus – car il faudrait en 2004, parler de contenus plutôt que d’informations et d’opinions, étant donné qu’une représentation graphique ou une photographie un symbole transmis par téléphonie mobile, par exemple n’est ni une information au sens strict ni une opinion. C’est bien le droit pénal général et spécial qui en prohibe la diffusion – et la presse entendue, comme le fait le projet de loi au sens le plus large possible, constituant le principal vecteur de cette diffusion, est soumise aux interdictions édictées par le droit pénal en ces domaines. Nous voici donc en présence d’une restriction au principe de liberté de la presse – qui est acceptable pour la seule raison que l’ordre public et la morale sociale et personnelle nous interdisent de tolérer la diffusion des contenus mentionnés ci-dessus. Il existe donc des conventions sociales dans une société démocratique ouverte et tolérante qui permettent de limiter la liberté de la presse. Tout comme ils limitent la liberté d’action des êtres humains.
Le présent projet de loi poursuit deux buts essentiels. L’un est la mise en phase de la législation sur la presse avec la réalité actuelle de la presse luxembourgeoise. Inclus dans ce grand objectif se trouvent nombre d’autres buts qui seront également atteints par le vote du projet remanié à la Chambre des Députés. Parmi ceux-ci figure la conformité de notre législation en matière de presse à la Convention européenne des droits de l’Homme; la redéfinition de la profession de journaliste; la consécration législative d’éléments importants de déontologie journalistique; la réorganisation du Conseil de presse, de ses émanations et de ses procédures; une réforme des recours contre la publication, par quelque moyen de presse que ce soit d’informations jugées attentatoires par des personnes physiques ou des personnes morales concernées par ces informations.
L’autre grand but poursuivi est la mise en équilibre de la presse et des personnes publiques et privées, pour le formuler de manière quelque peu provocatrice, mais adaptée au besoin. Il s’agit de garantir des libertés dont l’une est aussi fondamentale que l’autre, mais qui peuvent entrer en conflit – et le conflit appelle des arbitrages. La liberté de la presse, le droit à la libre manifestation d’opinions ne sauraient être placés en dessus ou en dessous du droit à l’honneur des personnes sur une hypothétique échelle de valeur des droits, par exemple.
Voilà pourquoi il est impératif de garantir l’ensemble des droits en cause en la matière, d’en permettre et en faciliter l’exercice – et d’organiser en même temps les facultés d’arbitrage nécessaires à la résolution de conflits entre les différents droits en présence. Moderniser la législation applicable à la presse, l’adapter à la réalité professionnelle technologique de notre époque et créer un cadre légal unique pour la profession et ses activités; rendre la législation luxembourgeoise sur la presse compatible avec les textes internationaux en la matière; garantir la liberté de la presse tout en sauvegardant la réalité permanente du droit à l’honneur, à la considération et au respect de la vie privée – tels sont les trois défis que le projet de loi a relevé avec succès.