Intervention de Monsieur Jacques Santer au nom des gouvernements du BENELUX lors du débat de la Convention sur les questions institutionnelles, Bruxelles, le 15 mai 2003.
Monsieur le Président,
Au nom des trois pays du Benelux, je souhaiterais apporter quelques précisions aux propositions communes d’amendements que nous avons introduites sur les questions institutionnelles.
Ces propositions s’inscrivent dans la logique du Memorandum du BENELUX diffusé au mois de décembre dernier. Vous vous rappellerez, Monsieur le Président, que l’élément principal de ce Memorandum était la défense et le renforcement de la méthode communautaire qui a contribué de manière décisive au succès du projet d’intégration européenne.
Dans cette optique,
… les pays du Benelux sont attachés à un certain équilibre entre institutions et notamment à l’idée d’une Commission forte.
Dans notre débat sur l’organisation institutionnelle future qui est sûrement d’une importance cruciale pour le succès de notre Convention, nos propositions prennent en compte les principales critiques que l’on peut adresser aujourd’hui à l’action de l’Union :
à l’intérieur: le changement semestriel de programme affaiblit la continuité de son action ;
vers l’extérieur: l’Union européenne n’a pas atteint le niveau de crédibilité, d’efficacité et de visibilité qui lui permettrait de jouer pleinement son rôle international.
Nos propositions visent à remédier
… à ses faiblesses sans toutefois créer de nouvelles institutions ni à bouleverser l’équilibre entre les institutions. L’organisation institutionnelle future de l’Union doit également respecter le principe d’égalité des Etats membres auxquels tant de Conventionnels sont attachés. L’égalité des Etats membres, d’un côté, et l’égalité des citoyens européens sont étroitement liées.
L’axe central de nos propositions se situe dès lors dans un renforcement du rôle de coordination d’une formation du Conseil, à savoir le Conseil des Affaires générales. Celui-ci devient l’instance chargée de préparer et d’assurer le suivi des réunions du Conseil européen. Ses membres participent (sauf exceptions) aux réunions du Conseil européen. Nous voulons que le Conseil européen joue pleinement son rôle d’impulsion politique qui est fondamental dans une Union de 25 membres ou plus. Une bonne préparation de ses travaux est de ce fait indispensable. Nous ne souhaitons cependant pas faire du Conseil européen une institution à part. Nous proposons par ailleurs de confier la Présidence du Conseil affaires générales au Président de la Commission. Nous pensons qu’ainsi le besoin de continuité et de cohérence dans l’action de l’Union sera le mieux assumé.
Nous proposons à notre tour de confier
… la Présidence du Conseil des Affaires étrangères au nouveau Ministre des Affaires étrangères afin d’assurer la même continuité et une visibilité accrue. Nous sommes convaincus de pouvoir en retirer un plus haut degré d’efficacité dans l’action extérieure de l’Union. Nous souhaitons que le ministre des Affaires étrangères soit intégré dans la Commission dont il deviendrait un des vice-présidents tout en préservant la spécificité de la PESC et de la PESD. Nous pensons qu’il faudra réunir les ressources administratives notamment en matière de gestion des relations extérieures.
Ainsi, les deux principaux problèmes connaîtraient une solution cohérente et efficace:
– cohérente parce qu’elle correspond aux fonctions d’organe exécutif de la Commission;
efficace parce qu’aucune nouvelle institution ni même aucune nouvelle structure est créée.
Monsieur le Président,
cette solution nous permet de maintenir le système actuel de la rotation semestriel pour les autres formations du Conseil dont la liste devrait correspondre à celle décidée par le Conseil européen de Séville. Cela ne devrait toutefois pas empêcher des aménagements ad hoc pour l’une ou l’autre formation du Conseil si le besoin viendrait à se faire ressentir.
Cette solution s’inscrit
… également dans le souci de simplification qui est une des lignes directrices du mandat de cette Convention. C’est précisément dans ce souci de simplification que les pays du BENELUX peuvent accepter votre proposition de remplacer par une double majorité le système de pondération des votes, particulièrement complexe depuis Nice. Il nous a cependant semblé nécessaire de prévoir une double majorité spéciale pour les cas où il n’y a pas de proposition de la Commission. Le traité actuel connaît une telle disposition qu’il faut préserver.
Pour ce qui est des arrangements institutionnels proprement dits, les pays du BENELUX ont également formulé des propositions qui cherchent à répondre au besoin d’efficacité tout en intégrant la demande légitime du respect de l’égalité des Etats membres. C’est dans ce sens qu’il convient tout particulièrement de comprendre nos propositions relatives à la composition de la Commission. La proposition du Présidium comporte des risques évidents pour l’égalité des Etats membres et de ce fait pour la légitimité de la Commission. Le maintien d’une Commission composée d’un national par Etat membre pourrait à terme mener à une perte d’efficacité, encore que, à titre personnel, je n’en suis pas convaincu. Je rappelle d’ailleurs qu’en ratifiant le traité de Nice, nous avons tous accepté le principe d’une Commission réduite composée de manière égalitaire; l’objet de notre proposition est de donner vie à la formule de Nice dans un sens acceptable pour tous.
Nous pouvons accepter une Commission réduite
… pour assurer l’efficacité de cette institution dans une Union élargie, à condition que le principe d’une rotation égalitaire agréée à Nice soit préservé. Voilà le sens de notre proposition qui distingue le collège des Commissaires qui prennent les décisions, et les Commissaires délégués qui participent aux travaux de la Commission. Au besoin, les sensibilités de chaque pays pourraient être répercutées au sein de la Commission, dont l’indépendance doit évidemment être renforcée.
Il va de soi que de tels arrangements ne trouveraient à s’appliquer qu’à partir de l’entrée en fonction de la Commission qui suit l’entrée en vigueur de la Constitution, c’est-à-dire en 2009.
Les pays du BENELUX proposent ensuite de renforcer
… le Parlement européen en lui donnant le pouvoir d’élire le Président de la Commission; nous n’avons pas prévu de détails quant à la procédure de sélection des candidats à une telle élection car il nous semble qu’il faille maintenir une certaine flexibilité permettant aux candidats potentiels de se dégager lors des élections européennes. Faut-il pour autant prévoir cela expressément dans la Constitution? Nous pensons que non, d’autant plus nous ne connaissons pas de Constitution qui prévoit ces détails.
Le Président élu serait confirmé par le Conseil européen et il lui appartiendrait alors de composer sa Commission dans le respect de la rotation égalitaire entre Commissaires et Commissaires délégués. Comme c’est déjà le cas actuellement, cette Commission serait soumise à un vote d’approbation par le Parlement européen devant lequel la Commission serait responsable. Je tiens encore à préciser à cet égard que le BENELUX propose qu’une motion de censure adoptée par le Parlement européen entraînera en principe une dissolution de celui-ci, sauf si le Conseil européen en dispose autrement.
Le Ministre des Affaires étrangères de l’Union fait, en tant que Vice-Président de la Commission, bien évidemment partie du Collège des Commissaires mais la procédure conduisant à sa nomination répond à la nature particulière de sa fonction et de sa place dans le schéma institutionnel. Enfin, Monsieur le Président, je dois vous faire part du fait que
… nous ne voyons pas de place dans le jeu institutionnel de
… l’Union pour un Congrès des peuples; nous sommes convaincus que la légitimité démocratique au niveau européen doit continuer à être représentée par le Parlement européen. Certes des rencontres entre parlementaires nationaux et parlementaires européens doivent continuer, mais plutôt dans un cadre informel privilégiant d’ailleurs l’échange de bonnes pratiques et le dialogue interparlementaire. Le renforcement du rôle des parlements nationaux, notamment en matière de contrôle du principe de subsidiarité, nous paraît être convenablement pris en compte par les travaux de la Commission.
En guise de conclusion, Monsieur le Président, je me permettrai simplement de souligner la disponibilité des pays du BENELUX pour trouver un véritable compromis qui permettra de conclure avec succès cette Convention. Un tel compromis ne pourra cependant voir le jour que si nous nous livrons à une écoute attentive de chacun des membres de cette Convention. Un consensus au sein de cette Convention est sûrement à notre portée. Il sera le fruit de propositions constructives et d’une disponibilité à trouver des solutions équilibrées. Tel est le but des propositions que vous font aujourd’hui les trois pays du BENELUX.
– Intervention de Monsieur Jacques Santer au nom des gouvernements du BENELUX lors du débat de la Convention sur les questions institutionnelles, Bruxelles, le 15 mai 2003.