Interview du Ministre Luc Frieden au bulletin d’information CODEX traitant des questions du dossier «Imposition des revenus de l’épargne et du capital».
CODEX: «Quelle appréciation générale portez-vous, après coup, à l’accord qui a finalement pu être dégagé en matière d’échange d’information respectivement de retenue à la source?»
Ministre Luc Frieden: «Je pense que c’est un accord acceptable pour le Luxembourg dans la mesure où les revendications essentielles du Gouvernement ont été satisfaites. Parmi celles-ci, je mentionnerai surtout le calendrier clair qui a été arrêté jusqu’au moins 2011 (retenue à la source de 15% à partir de 2005, 20 % à partir de 2008 et 35 % à partir de 2011), le champ d’application de la directive limité aux intérêts, le maintien de conditions de concurrence identiques sur les points essentiels avec d’autres places financières en Europe, comme la Suisse ou les territoires dépendants (même taux de retenue, même calendrier etc.). Nous pourrons désormais mieux développer la place financière dans la mesure où une incertitude majeure pesant sur la place a disparu.»
CODEX: «Pensez-vous que la Suisse est vraiment disposée à démanteler son secret bancaire, même à moyen et à long terme?»
Ministre Luc Frieden: «Il ne m’appartient pas de parler au nom de la Suisse. Mais je crois pouvoir dire que pour nous et pour les Suisses, le secret bancaire en soi est un instrument utile en matière de gestion de patrimoine aussi longtemps qu’il ne peut pas servir à des abus. La levée du secret bancaire devant le juge pénal en cas d’infractions, de même que l’instauration d’une retenue à la source en matière fiscale rendent le secret bancaire acceptable même pour ceux qui l’ont combattu par le passé. Par ailleurs, en ces questions – retenue à la source ou échange d’informations – le point essentiel pour nous est et reste le maintien de conditions identiques sur les principales places financières. C’est ce qui existe et continuera d’exister avec l’accord politique de janvier 2003.»
CODEX: «D’aucuns ont estimé que l’accord intervenu laisse la place financière luxembourgeoise à la merci de la Suisse. Quelles seraient, dans un scénario encore très hypothétique, les conséquences d’une décision suisse qui abolirait le secret bancaire de la Confédération?»
Ministre Luc Frieden: «Nous avons convenu en Europe que si toutes les places financières (et non seulement la Suisse, mais aussi tous les autres pays tiers et les territoires dépendants) abolissent après 2011 le secret bancaire, qu’alors nous nous trouvons dans une autre situation concurrentielle et que dès lors nous pourrons changer notre législation. Je crois toutefois qu’avec l’introduction d’une retenue à la source combinée avec le secret bancaire, ce débat ne sera pas rouvert de si tôt en Europe.»
CODEX: «La place financière luxembourgeoise pourra-t-elle vraiment se consolider, voire engager une nouvelle expansion, en pratiquant la retenue à la source maintenant, et l’échange d’informations dans 10 ans?»
Ministre Luc Frieden: «Nous ne pratiquerons pas automatiquement l’échange d’informations dans dix ans. Par ailleurs, je crois que les nombreux avantages de la place de Luxembourg font que l’accord en matière de retenue à la source n’aura pas de conséquences négatives pour la place. Au contraire, je vois que cet accord permet de mieux positionner la place dans les dix années à venir.»
CODEX: «Concrètement, comment la retenue à la source sera-t-elle pratiquée au Luxembourg? Une telle imposition ne requiert-elle pas déjà un amollissement de notre secret bancaire, dans la mesure où des administrations devront certainement intervenir dans le processus?»
Ministre Luc Frieden: «Les détails techniques devront être élaborés, mais, dans un système de retenue à la source, cette dernière sera prélevée par les banques et transmise sur une base collective, c’est-à-dire sans indication du nom des clients, aux administrations fiscales.»
CODEX: «Après l’élargissement de l’Union, est-ce que les nouveaux pays membres devront immédiatement s’intégrer dans le mécanisme de l’échange d’information, respectivement de retenue à la source?»
Ministre Luc Frieden: «Les accords prévoient que les nouveaux Etats-membres devront appliquer dès le début le système de l’échange d’informations.»
CODEX: «Quand l’accord entrera-t-il en vigueur?»
Ministre Luc Frieden: «Je voudrais d’abord souligner que la directive en matière de fiscalité de l’épargne n’a pas encore été approuvée par le Conseil des ministres de l’Union européenne. Il reste une réserve générale de la part de l’Italie et une réserve sur un point particulier de la part de l’Espagne. Il faudra donc d’abord qu’il y ait une approbation unanime de la directive. Il faudra de même approuver les accords avec l’ensemble des pays tiers et les territoires dépendants. Ensuite il faudra transposer ces textes dans des lois nationales. Tous ces textes entreront en vigueur au plus tôt le 1er janvier 2005 à condition qu’il soit assuré qu’ils fonctionneront à ce moment-là dans tous les pays visés.»