Energie et Environnement:

Une réflexion de Marcel Oberweis(*), membre du comité national, traitant des aspects du développement durable.

En ce siècle, le plus grand défi qui se pose à nous, c’est de prendre une idée qui nous semble abstraite – le développement durable – et d’en faire une réalité quotidienne pour toute la population de la planète. Ne perdons pas de vue qu’en nos jours, pour de nombreuses personnes, la vie demeure un combat chaotique dans le seul but de survivre. Chaque jour, elles sont des milliers à perdre cette bataille, des millions chaque année. Le développement durable représente une stratégie mondiale visant à promouvoir des conditions menant à une qualité de vie supérieure pour un nombre plus élevé d’êtres humains et préservant la capacité de la planète à maintenir la vie à long terme. En termes très honnêtes, il nous souligner ici qu’en appauvrissant l’environnement nous nous appauvrissons nous-mêmes.

L’énergie – le moteur du développement

L’avenir de l’énergie et sa relation avec l’environnement sont des questions très complexes et controverses. II faut comprendre que la seule façon de garantir l’avenir énergétique est de produire et d’utiliser l’énergie de façon écologiquement viable. Cela doit se faire de façon compatible avec les priorités écologiques de la société, et bénéficier d’un consensus social reposant sur une hypothèse de base. Selon cette hypothèse, un développement économique véritable passe par un développement humain équivalent dont l’éducation, la culture et la connaissance sont les principaux critères appliqués pour décider quelles sources utiliser et comment les utiliser pour le bien-être de l’humanité.

Ainsi, les ressources énergétiques et la technologie deviendront des facteurs clés de la modélisation du progrès économique et social. Leur influence, toutefois, dépendra grandement de leur interaction avec un nombre important d’autres facteurs: politiques environnementales, évolution du commerce mondial, économie, communications et technologies de l’information – éléments qui introduiront d’importants changements dans les habitudes et le mode de vie de la population globale. Ce scénario, il va presque sans dire, doit s’accompagner, au niveau mondial, par les changements politiques et sociaux nécessaires, dont une législation et des barèmes permettant de mesurer l’égalité des chances, la justice sociale et l’accès au développement, ce dont une importante partie de l’humanité manque dans le monde actuel.

Rien n’illustre mieux cette sombre réalité que les chiffres présentés par des institutions internationales tel Ie Conseil mondial de l’énergie. II en ressort qu’un cinquième de la population mondiale, qui vit dans des pays à revenus élevés membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, détient 86 % de la production industrielle brute mondiale, 82 % des marchés d’exportation mondiaux, 68 % des investissements étrangers directs et 91 % des usagers d’Internet et contrôle 71 % du commerce mondial.

Un tiers des 6,3 milliards d’habitants de la planète – population qui a quadruplé ces 100 dernières années – ne dispose d’ aucun accès à I’ énergie commerciale, alors que moins de 20 % de la population mondiale consomme 80 % de la production mondiale d’énergie. Selon l’ONU 2 milliards des 6,3 milliards humains n’ont pas accès aux énergies de marché et 1,2 milliard d’humains n’ont pas accès à une eau salubre et près de 2,5 milliards ne disposent pas d’un réseau d’assainissement approprié. Quoique conscient de tous ces problèmes à la une aux conférences mondiales, très peu a été fait pour répondre à ces besoins durant les décennies et en porter des solutions adéquates pour supprimer ce malaise. L’Union Européenne est le deuxième plus gros consommateur d’énergie avec 16,4 % de la consommation mondiale, tandis que les Etats-Unis en totalisent 26 %. Soulignant qu’en 2001 la consommation mondiale a été établie à 9.125 millions de tep (tonnes équivalent pétrole), à souligner que le continent africain à lui seul ne consomme que 280 millions de tep, tandis que les habitants de l’UE jouissent de 1.895 millions de tep.

Le pétrole reste le vecteur énergétique le plus consommé au plan mondial avec 38,5 % suivi du charbon à raison de 24,7 % et le gaz naturel avec 23,7 %. Les sources d’énergies renouvelables ne représentent encore qu’une partie encore négligeable, pourtant en forte progression. Plus alarmant sont les consommations par habitant : la moyenne mondiale s’élève à 1,7 tep/hab, les Etats-Unis une fois de plus font le cavalier seul avec 8,1 tep/hab, suivis par l’UE avec 3,4 tep/hab, l’Afrique hélas, avec ses 0,6 tep/hab se trouve à l’arrière bout de cette ligne.

II nous reste encore d’autres problèmes urgents qu’il faut mettre sur la sellette de la politique quotidienne. Selon un rapport concernant la gestion des ressources en eau, la pénurie d’eau d’irrigation pourrait entraîner p.ex. , vers la moitié du 21ème siècle, une diminution de 25 % de la production céréalière en lnde, pays dont la population atteindra alors 1,5 milliard d’habitants. On prévoit également qu’alors un quart de la population mondiale vivra dans des pays souffrant de pénurie chronique et de déficit d’eau douce. Pour résumer, depuis 1950, la superficie par personne consacrée à la production céréalière dans le monde a fortement diminué. II reste relativement peu de surfaces disponibles pour la culture, principalement du fait de l’expansion de l’industrie et de la construction de logements.

Eviter la crise d’énergie

La mondialisation économique, malheureusement, n’apporte pas de solutions aux problèmes d’ordre global. Elle intensifie, au contraire, l’asymétrie entre ceux qui profitent de ses bienfaits et ceux qui en demeurent exclus. Dans une économie mondiale, le rendement énergétique est la clé d’une solide activité économique. Dans le contexte du développement durable, il faut choisir des voies et des actions qui ne réduisent pas aujourd’hui le capital environnemental et social à des niveaux inacceptables et qui ne compromettent pas les générations futures.

Dans les 20 prochaines années, on prévoit un triplement de la demande mondiale d’énergie. Pendant ce temps, les principales sources de production d’électricité à savoir, le charbon, le gaz naturel, le pétrole et l’uranium, devraient voir leur part fortement diminuer conformément aux prescriptions du Protocole de Kyoto.

Me référant aux spécialistes en la matière, il faudrait, pour y parvenir, en supposant, que l’on puisse réaliser 50 % de cette réduction en augmentant le rendement énergétique que les autres 50 % proviennent de l’utilisation accrue des ressources non-fossiles. La question sera alors non pas comment obtenir les réductions souhaitées dans le cadre du changement climatique, mais comment faire face à la crise énergétique qui se manifestera dans les décennies à venir. A partir des données actuelles on peut prédire qu’il nous faut une capacité de production d’énergie sous toutes formes qui serait supérieure à la capacité totale créée au siècle dernier, e. a. 15 millions de barrel de pétrole devront s’ajouter à la production actuelle de 75 millions barrel par jour et une production annuelle de gaz naturel de billions de m3, ce qui équivaut à la réserve totale de gaz naturel des Etats-Unis.

Le développement énergétique représente un processus graduel, pourtant pendant les décennies à venir, les énergies fossiles représentent encore la source d’énergie primordiale. Les réserves de pétrole et du gaz naturel s’élevant à des dizaines d’années et du charbon à quelques centaines d’années, il faut se rendre compte que l’ère des énergies fossiles touchera à sa fin non pas demain, mais pourtant il faut prévoir l’après-demain. Mais le problème n’est pas l’épuisement des réserves de combustibles fossiles, il est largement admis que les réserves seront à la hauteur de la demande dans un futur immédiat. Le problème concerne plutôt l’attention portée, au niveau des politiques énergétiques, aux impacts environnementaux, au fait reconnu que les formes d’énergies modernes ne sont pas accessibles à tous – un déséquilibre aux dimensions morale et politique dans un monde de plus en plus interconnecté. Et ces faits ne contribuent guère au dialogue des cultures et des civilisations, ni à la nécessaire solidarité des nations et des citoyens pour lutter contre les incompréhensions , les exclusions, les nouvelles fractures centre le Nord et le Sud. Le fait de constater la perte de sens et de repères se manifeste de plus en plus. Ne devra-t-on pas, à travers les relations internationales, manifester dans le contexte actuel de mondialisation des échanges et de globalisation économique, des signes pour la survie communautaire de tous les citoyens ?

Selon moi, si un développement n’est pas durable sur le plan environnemental, ce n’est pas un développement. On ne peut faire de progrès en matière de réduction de la pauvreté sans progrès en matière de protection de l’environnement et vice-versa. Aucune paix ne peut durer quand la pauvreté, la faim la maladie et la pollution menacent des milliards d’êtres chaque jour. Si nous voulons créer de la richesse là où les gens sont pauvres et créer une certaine stabilité sociale là où les sociétés connaissent le chaos, il nous faut aussi protéger l’environnement. Ce n’est qu’à cette condition qu’une justice sociale durable, des perspectives économiques positives, un endroit sûr pour vivre et élever une famille, et des moyens de connaître une meilleure qualité de vie seront possibles.

Sur notre petite planète, le sort des uns est lié au sort des autres. Améliorer la qualité de vie d’une personne a des effets positifs sur la vie de toutes les autres. Les progrès que nous recherchons viendront non pas de déclarations d’intention mais de véritables changements apportés aux structures sous-jacentes gouvernent ces relations et dans ce processus il faut que chacun s’y engage.

Marcel Oberweis

Professeur Ingénieur dipl. à l’Institut Supérieur de Technologie

Membre du groupe Sources Energies Renouvelables CME London