Discours sur la guerre contre l’Irak du député Marcel Glesener devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Monsieur le Président,Chers collègues,
La guerre en Irak est bel et bien une réalité. Une guerre qui déjà s’annonce plus longue et plus dure que ceux qui la mènent ne l’ont prévu. Une guerre qui a été voulue par peu d’Etats de ce monde, et qui est condamné par l’opinion publique européenne et, j’ose dire, mondiale.
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la plus ancienne des enceintes parlementaires internationales, est le lieu de naissance de règles de comportement éditées à l’adresse des Etats européens. Même si malheureusement, l’ensemble de ses recommandations ne sont pas toujours suivis par tous les Etats membres, cette assemblée reste le berceau d’une culture de convivialité européenne basée sur le droit et le respect des règles communes. Cela étant, l’Assemblée ne peut pas aujourd’hui fermer l’oeil sur les circonstances du déclenchement de la guerre en Irak.
Le Conseil de l’Europe est une organisation conçue pour le dialogue entre Etats européens et l’élaboration de règles juridiques européennes. Il est dès lors un sanctuaire de la gouvernance internationale basée sur le droit. Cette réalité constitue l’incitation à une ambition globale fondée sur les principes de notre coopération.
Les peuples européens croient au droit international et à la gouvernance globale. Les Européens sont multilatéralistes par essence et par destin. Devant l’arrière-fond de leur histoire trop souvent cruelle, marquée par des conflits armés récurrents et dévastateurs, ils rechignent devant la perspective de guerres nouvelles. Les organisations et institutions européennes, et le Conseil de l’Europe en premier, sont des structures dont les racines sont constituées par un désir profond de paix. De paix européenne, et de paix globale.
Cette culture de la paix qui est devenue – fort heureusement – l’un des traits de caractère marquants de l’Europe moderne se trouve aujourd’hui ébranlée par l’éclatement d’une nouvelle guerre, menée devant la porte du Conseil de l’Europe, dont un membre, la Turquie, possède une frontière commune avec l’Irak. Cette guerre nous interpelle. Elle est menée sans mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle est menée par une coalition de hasard dirigée par les Etats-Unis, elle est menée en dehors des règles du droit des gens. Je l’ai dit à la tribune du Parlement luxembourgeois et je le répète dans cette Assemblée : il est faux de répondre à une violation du droit international par une autre violation du droit international. A force de pratiquer cette espèce de réplique, le droit international se trouvera vidé de sens et de contenu.
La guerre en Irak, comme toutes les guerres, car telle est leur nature, coûtera des vies humaines. Comme toutes les guerres modernes, elle ne se limitera pas au champ de bataille pour ravager des vies. Elle apportera la mort dans les villes, parmi les innocents, les pris au dépourvu, ceux qui ont souffert sous le régime de Saddam Hussein et qui doivent souffrir encore sous les bombes des alliés occidentaux. Cette guerre, comme toute les guerres, laissera des plaies qui prendront longtemps pour cicatriser.
Je ne peux qu’exprimer mon souhait de voir s’achever la guerre en Irak dans un avenir proche, très proche. J’espère que ses victimes civiles ne seront pas excessivement nombreux. Car chaque mort laisse derrière lui des vivants qui le pleurent. Des vivants dont le deuil peut se convertir en haine. Et la haine n’est jamais neutre. Elle est dirigée contre un objet, et elle peut mener au désir de vengeance. C’est un cercle vicieux qu’il faut briser pour atteindre la paix.
Chers collègues, nous vivons des moments tristes et tragiques. Espérons ensemble que les buts de la coalition militaire pourront être atteints sans que des drames nouveaux ne soient engendrés par son action. La guerre n’est pas une solution. Plus tôt elle sera finie, plus réelle sera la perspective de pouvoir progresser sur le chemin vers la paix globale.