Trois questions à Jean-Claude Juncker, interview publié au journal « Le Jeudi », 20 février 2003.
Le Jeudi: «Un fossé s’est creusé entre la population et vous-même. Qu’en pensez-vous?»
Jean-Claude Juncker: «Je me suis prononcé à maintes reprises contre la guerre et pour un désarmement pacifique de l’Irak. Sur ce point fondamental je n’arrive pas à voir que je serais en déphasage par rapport à notre opinion publique».
Le Jeudi: «Comment peut-on encourager à manifester contre la guerre tout en affirmant qu’il faut maintenir la pression militaire?».
Jean-Claude Juncker: «J’ai déclaré au Parlement et ailleurs que la guerre constitue toujours un échec. Pourquoi aurais-je dû me désolidariser de ceux qui, comme moi, refusent de considérer la guerre comme le prolongement normal et automatique de la diplomatie avant que celle-ci n’ait épuisé toutes ses possibilités d’action? Comme l’Irak doit impérativement désarmer, comme le Conseil de sécurité – et lui seul – doit décider des suites à donner à une éventuelle non-coopération de l’Irak, on ne peut éliminer a priori l’emploi de la force. On ne peut pas plaider la voie onusienne tout en renonçant à la menace. C’est la raison pour laquelle les Quinze européens, sans exception, n’ont pas voulu exclure l’emploi de la force comme moyen de dernier recours».
Le Jeudi: «La position courageuse du gouvernement belge a été soutenue par la quasi-totalité des acteurs socio-économiques et politiques du royaume. Pourquoi ne pas avoir suivi notre partenaire du Benelux et nos voisins?».
Jean-Claude Juncker: «Les positions belge et luxembourgeoise n’ont pas différé sur le fond. De concert avec nos trois pays voisins nous avions estimé que la demande d’aide introduite par la Turquie ne devrait être examinée qu’après la remise du premier rapport des inspecteurs de l’ONU. Le premier rapport ayant conclu que la coopération de l’Irak était largement insuffisante, nous avons estimé que la Turquie était fondée à faire état d’une menace et à susciter l’aide de l’Alliance.
Nos amis belges, français et allemands ont préféré attendre le deuxième rapport des inspecteurs avant de rejoindre la position des autres pays membres de l’Alliance. Ils l’ont fait dimanche dernier, tout en précisant qu’une réponse positive à la Turquie n’était pas à considérer comme le premier pas vers la guerre, point de vue que nous n’avons cessé de développer au sein de l’OTAN.»