Surveillance étroite des transactions financières Déclaration du député Laurent Mosar (CSV) Les sanctions à envisager et à mettre en oeuvre contre les pays et territoires identifiés comme non-coopératifs par le GAFI doivent, à mon estime, être abordées sous trois aspects différents. Je conçois en effet une différence entre celles de ces sanctions qui sont facilement applicables dans nos régions – respectivement dans les pays membres du GAFI ou encore l’Union européenne – et celles qui ne peuvent prendre effet qu’en dehors de ces pays. En outre, je suis d’avis – et je tiens à le mentionner dans ce cadre – que certains des territoires visés doivent être considérés pour ce qu’ils sont: des nations ou des pays en désespoir de cause et d’avenir.
Je suis ainsi d’avis que les pratiques commerciales et bancaires pouvant effectivement restreindre le recours à des véhicules offshore doivent encore être renforcés. Nous avons une pratique luxembourgeoise qui rend par exemple quasiment impossible l’ouverture d’un compte par une entité juridique relevant du droit de l’un des PTNC. Les seuls cas d’exception sont ceux où le banquier peut être assuré, aussi bien à titre personnel qu’en termes déontologiques, que le demandeur se situe au-delà de tout doute raisonnable quant au caractère de son activité et à l’origine des fonds qu’il entend déposer. Ceci requiert une notoriété positive et une activité économique prouvée pièces à l’appui, de manière à ce que, dans la quasi-totalité des cas qui peuvent se présenter, l’ouverture d’un compte est refusée à ce que l’on appelle une société offshore. La même chose est vraie pour des sociétés russes, par exemple.
Et la pratique que je viens de citer ne se limite pas aux personnes morales – bien que, en ce qui concerne les territoires offshore, il est extrêmement rare qu’un demandeur en ouverture d’un compte soit une personne physique produisant un passeport des îles Cook ou de Nauru, par exemple. Les ressortissants de certains plus grands pays figurant sur la liste des PTNC sont toutefois assez systématiquement reconduits à la porte par les banques établies au Luxembourg.
La surveillance étroite des transactions financières sans arrière-fond économique est également une mesure qui me semble aussi praticable que nécessaire. Là encore, les autorités luxembourgeoises compétentes prennent très au sérieux leur mission de contrôle.
Ce contrôle est par ailleurs effectué tant à l’égard de sociétés et de détenteurs de comptes luxembourgeois qu’étrangers, et il est également appliqué aux relations financières entre des entités de droit luxembourgeois et étrangères. Je souhaite pour le surplus ajouter que depuis l’entrée en vigueur, il y a trois ans, de la nouvelle loi luxembourgeoise sur les domiciliations de sociétés, ce contrôle a encore été renforcé considérablement, et les communications au parquet de transactions ou de pratiques financières suspectes ne cessent d’augmenter. Je considère cet état des choses comme la preuve concrète du respect par les professionnels de notre secteur financier de leur déontologie et de leurs propres règles prudentielles. Les sanctions en cas de non-respect de ces règles sont également devenues bien plus sévères.
Nous constatons au Luxembourg que toutes les mesures de vérification et d’identification aussi bien des bénéficiaires économiques des transactions financières douteuses que des activités les sous-tendant – respectivement ne les sous-tendant pas du tout – ont contribué à une nette diminution de l’intérêt que portent encore les acteurs de l’offshore et des entités anonymes à notre place financière. Cela prouve l’efficacité de ce que nous appelons le “cordon sanitaire” autour des opérations de la place, et nous avons la ferme intention de continuer sur la voie engagée – tout comme nous invitons tous nos partenaires à se doter des mêmes règles et pratiques légales et prudentielles.
Tout ceci pour dire que je peux me rallier sans réserves à presque toutes propositions énoncées dans la déclaration finale sur le thème qui nous préoccupe ici. La seule qui me pose encore problème dans une certaine mesure est celle relative à l’interdiction, aux établissements financiers de l’Union européenne, d’ouvrir des représentations dans les PTNC. Non pas parce que j’y serais foncièrement opposé, ce n’est pas du tout le cas, mais parce que je considère que le contrôle, dans ce domaine, serait pratiquement impossible à exercer de manière crédible. Un établissement financier vraiment désireux de créer ou de maintenir une présence dans un pays ou territoire non coopératif – pour des raisons qui pourraient alors s’avérer fort critiquables – pourra toujours recourir à des sociétés-écran pour garantir cette présence, même si elle n’est alors plus identifiable comme telle à première vue. L’effort administratif et judiciaire de contrôle prendrait alors vraisemblablement une envergure disproportionnée par rapport aux succès à espérer. Je suis donc plutôt d’avis que le renforcement des obligations légales et prudentielles de surveillance au sein de l’Union européenne promet de meilleurs résultats que des interdictions concernant des activités situées en-dehors du territoire de l’Union et partant difficiles, sinon impossibles, à appréhender et à endiguer. Cette réflexion n’empêche toutefois pas que, pour ce qui est du principe, je peux très bien m’accommoder de la présence de cette mesure dans le catalogue des actions proposées.
J’aimerais cependant encore perdre quelques mots sur une problématique qui est, en quelque sorte, à la base de bien de préoccupations du GAFI et de notre conférence ici. Je l’ai appelée, au début de mon intervention, celle des territoires en désespoir de cause et d’avenir.
Des territoires non-coopératifs identifiés par le GAFI, j’en retiendrai deux pour avancer mon argument. Nous avons toujours des problèmes avec la République de Nauru et avec l’île de Niue. Très bien. La première est un Etat dont l’unique ressource, le phosphate, est épuisée depuis quelques années, et qui, à travers son histoire d’extraction minière, a ruiné ses propres perspectives de réutilisation du sol sur les sept huitièmes des 20 km2 dont il consiste. Nauru n’a plus d’économie de nos jours. Niue, île à dimensions comparables, ne compte pas plus d’habitants qu’un village luxembourgeois, et n’a pas d’économie non plus – à cette exception près qu’il existe depuis peu un commerce de noms de domaine internet se terminant en .nu, et qui sont utilisées avec prédilection par des sites dont le contenu n’est pas plus réputable que leurs exploitants. Mais au fond, que voulons-nous que les 10.000 Nauruans et les 2.000 Niuéens fassent pour survivre, à l’endroit du monde où ils se trouvent, et avec les moyens qui sont les leurs? J’ai pris ces deux exemples – il en existerait d’autres sur la liste actuelle du GAFI qui ne sont pas foncièrement différents – pour essayer d’attirer votre attention sur l’inexistence, à l’heure actuelle, d’une alternative de subsistance pour ces pays. Si Nauru, Niue, et d’autres territoires étaient assistés par la communauté internationale sur la voie d’une reconversion économique, dont les contours et l’orientation restent bien entendu à concevoir, je suis convaincu qu’ils abandonneraient volontiers la piraterie offshore.
Encore faut-il que nous leur offrions une telle alternative de développement, à travers la coopération.
Voilà les remarques que je souhaitais faire dans le cadre de notre groupe de travail. Je concluerai en affirmant que nous ne viendrons à bout du problème de la criminalité financière que si nous parvenons à une approche globale aussi bien du phénomène lui- même que de l’ensemble de ces causes – et la délégation luxembourgeoise reviendra à ces causes au cours de notre séance plénière.
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