Services de secours, gestion de l’eau, aménagement du territoire, réorganisation territoriale. Le Ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf, relève de nombreux défis
Entretien du Ministre Jean-Marie Halsdorf avec Denis Berche du Quotidien, le 26 février 2007
En quoi consiste le ministère de l’lntérieur?
Au Luxembourg, à la différence de ses voisins où différents niveaux se chevauchent, il n’y a que deux niveaux de décision : l’État et les communes. Le ministère luxembourgeois de l’lntérieur est donc le ministère de tutelle des communes. La loi de 2004 sur l’aménagement communal, qui remplace la loi de 1937, donne notamment au ministère de l’lntérieur des compétences en matière d’aménagement communal et de développement urbain.
Gestion de l’eau: tenir compte équitablement des dimensions écologique, économique et social
Quelles sont les autres attributions du ministère de l’lntérieur?
Une autre loi datant également de 2004 règle, sous l’autorité du ministère de l’lntérieur, l’organisation, l’administration et l’instruction des services de secours. Si la Protection civile est du ressort de l’État, les services d’incendie et de secours, autrement dit les pompiers, sont du ressort des communes. L’esprit de la loi les considère comme un ensemble, alors qu’il y a parfois une concurrence déplacée entre les deux. Le plus important dans ce domaine, c’est de ne jamais oublier qu’il y a un service de la meilleure qualité possible à rendre aux citoyens. Le ministère de l’lntérieur a également en charge la gestion de l’eau avec une nouvelle loi en préparation qui doit transposer une directive européenne en droit luxembourgeois. Je déposerai le projet de loi cette semaine. Mon projet va audelà de la directive pour la gestion de l’eau. C’est un domaine complexe, avec de nombreuses facettes concernant à la fois les aspects qualitatifs et quantitatifs de cette ressource importante, mais aussi plusieurs dimensions : écologique, économique et sociale.
Le ministère de l’lntérieur est aussi celui de l’Aménagement du territoire…
Oui et c’est un domaine d’intervention capital. À travers le programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT), il s’agit d’organiser le pays selon des règles et des structures communes. Nous avons ainsi défini six régions ainsi que 15 centres de développement et d’attractivité. C’est de ce programme directeur qu’est né I’IVL, ce concept intégré qui a pour objectif de concilier trafic et aménagement du territoire. Il y a une volonté politique de s’attaquer aux problèmes.
Si la capitale est le point névralgique du développement du pays, il faut aussi pouvoir faire contrepoids à Luxembourg-Ville qui concentre sur son territoire 40 % des emplois et 50 % du trafic. L’ambition et l’objectif de I’IVL, c’est de doubler en pourcentage le nombre de personnes qui utilisent les moyens de transport en commun. Il y avait en 2002, année de référence pour I’IVL, 12,5 % d’utilisateurs des bus et des trains pour 87,5 % d’utilisateurs de voitures. Passer à 25 % pour les transports en commun est la seule possibilité de décongestionner les transports.
Volonté politique de s’organiser dans l’intérêt politique
Pour organiser l’aménagement du territoire, de quels instruments disposez-vous?
Nous avons quatre instruments pour coordonner les actions des uns par rapport aux autres. Il y a d’abord les plans régionaux. Chacune des six régions devra avoir un plan régional. Pour le moment, seul le plan régional Sud est en cours d’élaboration.
Nous travaillons également sur des plans sectoriels primaires. Nous avançons sur le plan «transports» et avant fin 2007, je devrais pouvoir présenter un projet de plan ainsi qu’un règlement grand-ducal. Pour le plan logement et les zones d’activités économiques, les travaux sont en cours. On sera définitivement fixé en 2008 lorsque les projets de plan seront disponibles.
Reste enfin le dernier plan sectoriel majeur, celui des grands ensembles paysagers, toutes ces zones naturelles à protéger : ce plan sera également achevé en 2008. Penser l’aménagement du territoire, c’est un vaste chantier, avec des variantes et de nombreux intervenants. Mais il y a une volonté politique, à tous les niveaux, de s’organiser dans l’intérêt collectif.
Ce ministère de l’lntérieur et de l’Aménagement du territoire n’est-il pas l’un des ministères clés puisqu’il doit «imaginer» le Luxembourg de demain?
C’est un constat que je partage même s’il n’est pas toujours partagé dans le pays. Beaucoup de gens pensent, à tort, qu’il s’agit d’une institution lourde qui complique les choses. À court terme, c’est parfois vrai. Mais à moyen ou à long terme, certains processus en cours sont capitaux. Il faut impérativement que la politique mise en œuvre au niveau du territoire luxembourgeois soit cohérente. Nous avons la nécessité d’organiser le pays pour garantir sa cohésion économique et sociale. Construire des lycées, des routes, des décharges, des stations d’épuration, investir dans les transports en commun ou dans les friches industrielles, tout cela ne doit pas se faire au petit bonheur la chance.
Faire passer l’intérêt général avant les intérêts particuliers, est-ce facile?
Non, cela n’est pas toujours évident! On marche sur le fil du rasoir entre une approche étatique globale et des intérêts communaux souvent individualistes. S’il faut respecter l’autonomie des communes, il faut cependant trouver la bonne carburation entre la stratégie nationale et l’esprit communal. Il faut déployer beaucoup d’énergie, de bon sens, d’écoute, de dialogue et aussi de fermeté parfois pour arriver à joindre les deux bouts.
Ancien bourgmestre de Pétange, ancien secrétaire général du Syvicol, n’êtes-vous pas l’homme de la situation?
Ce n’est pas à moi de le dire. Je connais le terrain, on ne peut donc pas me raconter n’importe quoi. En tant que ministre, ma volonté est de trouver des solutions qui soient viables dans l’intérêt du pays, de ses habitants et aussi de ses frontaliers.
Trouver les moyens de coordonner au sein de la Grande Région
Puisque les frontaliers sont toujours de plus en plus nombreux, n’êtes-vous pas trop dépendant de ce qui peut se décider ou ne pas se décider dans les régions voisines?
Il est certain que le Luxembourg doit parfois subir des effets qui ne dépendent pas directement de lui. Une des faiblesses du modèle vient effectivement aujourd’hui de la Grande Région. Il faut trouver les moyens de prévoir, d’analyser, d’organiser, de coordonner au sein de la Grande Région. Je crois sincèrement qu’il y a une véritable prise de conscience à ce niveau. Nous devons maintenant passer des intentions aux actes. Un nouvel instrument communautaire devrait pouvoir nous le permettre : un GECT, Groupement européen de coopération territoriale. Du côté lorrain, les choses sont désormais bien avancées.
Pour en revenir au plan luxembourgeois, où en est votre projet d’avril 2005 sur les regroupements de communes?
Une commission spéciale de la Chambre des députés travaille sur le sujet. C’est la commission «RTL» pour une Réforme territoriale du Luxembourg. J’attends très prochainement ses conclusions. À terme, certaines communes seront contraintes de fusionner ou de se regrouper. C’est non seulement leur intérêt, mais surtout celui de leurs habitants. Je veux des communes fortes à même de prester des services identiques de base, à des prix et des coûts sensiblement comparables. Dans la loi sur la gestion de l’eau, il y aura ainsi un prix vérité calculé selon le même schéma. L’idée est d’obtenir des prix harmonieux d’une commune à l’autre, dans une fourchette raisonnable à laquelle les communes devront se conformer. Fusion ou regroupement, l’important c’est de faire régner un esprit de solidarité et de ne pas oublier que seule l’union fait la force.
Qui est-il?
- Jean-Marie Halsdorf est né le ¦jer février 1957, à Luxembourg. Marié et père de trois enfants, il habite à Lamadelaine.
- Après ses études secondaires au Lycée classique d’Echtemach, Jean-Marie Halsdorf s’inscrit à l’université Louis-Pasteur, à Strasbourg, qu’il quitte au début des années 80 avec un diplôme d’État de docteur en pharmacie. O II exerce la profession de pharmacien en officine et en milieu hospitalier, notamment à la clinique Sacré-Cœur de Luxembourg.
- II est élu conseiller communal de la commune de Pétange au i er janvier 1988. En 2000, il en devient bourgmestre.
- En 1994, il est élu député du Parti chrétien-social dans la circonscription Sud. Il est réélu en 1999 et 2004.
- Lors de son mandat de député, il est également membre effectif de l’Assemblée parlementaire de I’OTAN ainsi que suppléant du Comité des régions de l’Union européenne, du Conseil interparlementaire consultatif du Bénélux et du Conseil parlementaire interrégional.
- Depuis 2000, il occupe le poste de secrétaire général du Syndicat des villes de communes luxembourgeoises (Syvicol). En outre, il est membre du bureau exécutif du Syndicat de communes régional pour la promotion et le développement de la région du Sud (Pro Sud).
- De 2001 à 2004, il est président du comité du Syndicat intercommunal de l’Hôpital Princesse Marie-Astrid à Niederkorn.
- En 2003, il est rapporteur du budget de l’État pour l’exercice 2004.
- Le 31 juillet 2004, Jean-Marie Halsdorf est nommé ministre de l’lntérieur et de l’Aménagement du territoire.
Source: Le Quotidien, 26 février 2007, Denis Berche
Liens internet: Ministère de l’Intérieur , waasser.lu , ivl.lu , Fusionen (Presseartikel, Mai 2006), Think global – act local (Presseartikel, Februar 2007)