Réponse de Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères et de l’Immigration à la question parlementaire de Monsieur le Député Marc Spautz concernant les négociations d’adhésion de l’Union Européenne avec la Turquie

Link : Qp No 1334 concernant les négociations d’adhésion avec la Turquie

En date du 3 octobre 2005, l’Union européenne a lancé les négociations d’adhésion avec lam Turquie. La décision de principe d’ouvrir les négociations avec la Turquie a été prise par les chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres de l’Union européenne au Conseil européen de décembre 2004 et sur base d’un rapport de la Commission européenne du 6 octobre 2004 qui concluait que la Turquie remplissait suffisamment les critères politiques de Copenhague et qui recommandait en conséquence le lancement des négociations. Les critères de Copenhague, dont le remplissage suffisant constitue une condition à l’ouverture des négociations d’adhésion, exigent la stabilité d’institutions garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l’homme ainsi que le respect et la protection des minorités; l’existence d’une économie de marché viable et la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l’intérieur de l’Union; la capacité d’assumer les obligations résultant de l’adhésion, notamment de souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire, et la capacité administrative d’appliquer et de mettre effectivement en oeuvre l’acquis communautaire.

Le mandat de négociation pour la Turquie, qui régit les négociations d’adhésion, réitère que l’Union attend de la Turquie qu’elle poursuive le processus de réforme et s’attache à améliorer le respect des principes de liberté, de la démocratie et de l’État de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le mandat précise que l’Union et la Turquie poursuivront leur dialogue politique approfondi et que l’UE continuera à suivre de près les progrès de la Turquie. Il retient en plus que la progression des négociations sera influencée par les progrès réalisés par le pays dans le respect des critères de Copenhague ainsi que d’un certain nombre d’autres critères, dont notamment «l’engagement sans équivoque de la Turquie à entretenir des relations de bon voisinage» et «la véritable volonté de la Turquie de trouver une solution globale au problème chypriote dans le cadre des Nations Unies (H’) et les progrès effectués dans la normalisation des relations bilatérales entre la Turquie et tous les Etats membres de l’UE, y compris la République de Chypre ».

Afin d’évaluer l’état de préparation de la Turquie et le respect des critères, la Commission européenne publie chaque année un rapport régulier recensant les progrès réalisés par la Turquie sur sa voie vers l’Union et épinglant aussi les lacunes qui restent à combler. Si le dernier rapport de suivi de la Commission européenne, publié le 8 novembre 2006, constate que la Turquie continue de respecter suffisamment les critères politiques de Copenhague et qu’elle a poursuivi ses réformes politiques, elle note cependant avec préoccupation que le rythme des réformes s’est ralenti et exhorte la Turquie à redoubler d’efforts dans de très nombreux domaines pour se rapprocher des normes européennes. La Commission relève en particulier le fait que la Turquie n’a pas entièrement mis en oeuvre le protocole additionnel de l’accord d’Ankara relatif à l’union douanière vis-à-vis de Chypre. La Commission fera des recommandations sur la voie à suivre dans les négociations d’adhésion et les relations UE – Turquie en général en vue du Conseil européen de décembre 2006, lorsque les Chefs d’Etat et de gouvernement seront appelés à tirer les conclusions du rapport de progrès.

Pour suivre d’encore plus près les efforts de la Turquie, la Commission européenne a annoncé par ailleurs dans son document stratégique sur l’élargissement, publié également le 8 novembre 2006, qu’elle a l’intention de renforcer davantage le dialogue politique dans le cadre des négociations d’adhésion. Le dialogue politique que l’Union mène avec le pays lui permet en effet de discuter avec la Turquie également de tous les sujets liés aux critères politiques. A ces occasions, l’UE incite la Turquie à chaque fois à ne pas relâcher ses efforts et à continuer sur la voie des réformes et à accélérer leur mise en oeuvre.

En particulier, l’Union européenne insiste sur la liberté d’expression et encourage la Turquie à procéder à la réforme des textes législatifs qui peuvent être interprétés de manière à enfreindre cette liberté. L’Union européenne encourage notamment la Turquie à retravailler certains articles de son code pénal qui peuvent être invoqués au détriment de la liberté d’expression et d’autres libertés fondamentales des citoyens turcs. Les progrès réalisés au cours des dernières années, les changements intervenus en Turquie témoignent du bien-fondé de l’approche européenne de soutenir et d’influencer le processus de réforme en Turquie dans le dialogue et dans la perspective d’une adhésion de la Turquie. Il est néanmoins vrai qu’il reste de très nombreux défis à relever. D’importantes lacunes persistent en matière de libertés fondamentales, des lacunes qui, le cas échéant, peuvent motiver une décision d’offrir l’asile politique à un ressortissant turc. La décision d’attribuer le statut de réfugié politique à un ressortissant turc ne me semble de ce fait pas contradictoire avec l’approche de l’UE qu’il importe de soutenir le processus de réforme en Turquie dans le cadre des négociations d’adhésion. La Turquie est en train de changer profondément, et c’est avec le soutien de l’UE et grâce à la pression du processus de négociation qu’elle change. La Turquie qui pourrait un jour entrer à l’UE n’est pas la Turquie d’aujourd’hui.

Zréck