La pratique des mariages forcés

Une question parlementaire de Laurent Mosar au Ministre de la Justice Luc Frieden.

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 76 du règlement de la Chambre des Députés, je souhaiterais poser une série de questions à Monsieur le Ministre de la Justice concernant la pratique des mariages forcés.

Malgré des avancées considérables sur le front de l’égalité entre les hommes et les femmes, le mariage forcé reste une réalité pour beaucoup de jeunes, essentiellement des femmes. Ce phénomène n’est pas limité à une région du monde, on le retrouve dans tous pays, y compris dans les pays occidentaux, dont il est l’un des corollaires de l’immigration.

Bien que cette pratique soit difficile à recenser, tant le sujet est tabou, les associations oeuvrant notamment dans le domaine des droits de l’homme, constatent ces dernières années une hausse des mariages forcées dans de nombreux pays européens à forte immigration en provenance de la Turquie, des pays du Maghreb, d’Afrique Noire ou encore de certains pays d’Asie.

D’après Amnesty International (Belgique), on dénombre dans le monde 51 millions de filles de moins de 18 ans déjà mariées. Tendance croissante, ce chiffre devant atteindre les 100 millions d’ici 10 ans. En France, on évalue à quelques 70.000 le nombre d’adolescentes âgées de 10 à 18 ans potentiellement menacées par un mariage forcé. Dans l’Hexagone, la question des mariages forcés interpelle d’ailleurs depuis un certain temps politiciens, acteurs sociaux et autres. Pour preuve : le 14 décembre 2005, l’Assemblée nationale française a examiné la proposition de loi adoptée au printemps par le Sénat renforçant la prévention et la répression des violences commises au sein du couple. Un article a été intégré au texte initial de la proposition de loi. Celui-ci entend harmoniser à 18 ans révolus l’âge de mariage pour les filles comme pour les garçons visant ainsi à améliorer la lutte contre les mariages forcés. Quant à la Ville de Paris, elle a décidé, de concert avec un réseau de plusieurs associations et de structures indépendantes, de lancer l’année prochaine une vaste campagne d’information et de sensibilisation sur le sujet.

Bien qu’au Luxembourg le phénomène ne connaisse pas la même ampleur que chez nos voisins, notre pays ayant jusqu’à présent surtout connu une immigration intraeuropéenne, la question des mariages forcés devrait forcément gagner en actualité avec une immigration d’extracommunautaires sans cesse grandissante. Une action concertée en la matière paraît de mise lorsqu’on sait que ces pratiques peuvent avoir des conséquences parfois dangereuses. Un mariage précoce peut en effet laisser de profondes séquelles physiques, intellectuelles, psychologiques et émotives sur les jeunes filles.

Dans ce contexte, j’aurais souhaité savoir de Monsieur le Ministre de la Justice :

Quelle est l’ampleur chiffrée ou approximative du phénomène des mariages forcés au Luxembourg ?

Y a-t-il lieu d’intervenir en la matière ? Dans l’affirmative, quelles sont, selon le gouvernement, les mesures les plus appropriées pour lutter contre la pratique des mariages forcés ? Le gouvernement pense-t-il que les mesures proposées et discutées en France, à savoir relever l’âge de mariage pour les femmes ou renforcer le contrôle du vice de consentement attribuant au ministère public un rôle plus actif en la matière, soient efficaces et puissent être envisagées par le Luxembourg ? Le gouvernement pense-t-il qu’une campagne d’information et de sensibilisation visant plus particulièrement les populations à risque soit opportune ?

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma parfaite considération.

Laurent Mosar
Député

Zréck